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Mémoires de Joseph BARBA

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1886-1889 Cannes – Guérison de Gabrielle 1889-1894 Le Creusot Notes sur le Creusot

L'abbé Manier, qui avait fondé et dirigeait avec succès une école au Creusot, fut nommé à la cure de Saint-Laurent. Il y était encore lors de la mort de Monsieur Henri Schneider en 1898 et officia à ses funérailles. Il devint ensuite vicaire général du diocèse d'Autun et vit mourir le vénérable cardinal Perraud dont il vint faire l'oraison funèbre à Paray-le-Monial quelques années plus tard étant évêque de Bellay.
Chosson a quitté le Creusot vers 1886 ; il a été remplacé à la tête du service des mines par Raymond, ancien élève de l'école de Saint-Étienne. J’ai eu avec lui de très bonnes relations, sa femme était bien commune et nous la vîmes peu ; leur fils, sorti de Centrale fut employé quelque temps aux aciéries, mais il y resta bien peu de temps après s'être marié assez richement semble-t-il.
On recherchait alors de nouvelles couches de houille et Raymond s’occupait beaucoup de végétaux silicifiés voisins de l’époque houillère, il en faisait couper des tranches qu’on polissait avec soin pour les examiner ensuite au microscope et en déterminer l’espèce. Il nous les faisait admirer.
Nicolas Toussaint, de son côté, partit quelques années plus tard pour se retirer à Dijon, ses heureux placements en actions du Creusot à un moment opportun l’avaient mis très à l’aise. Monsieur H. Schneider m’avait demandé, alors, de me charger du service administratif mais j’étais aidé par Saint-Girons pour bien des détails. J’eus à présider à plusieurs reprises les examens de sortie des écoles. Les résultats obtenus par nos excellents instituteurs à la tête desquels était Walther comme directeur, étaient vraiment remarquables et je me plaisais à interroger quelques élèves de 1e classe sur la géométrie. Les notes obtenues durant l’année et à l’examen final déterminaient un classement général d’après lequel les jeunes gens choisissaient parmi les places offertes l’emploi qui leur convenait le mieux. Les premiers choisissaient d’ordinaire les postes d’employés, de calqueurs, puis d’ouvriers monteurs, ajusteurs, etc… Les derniers qui avaient l’âge requis pour le travail, étaient ouvriers de la grande forge ou mineurs. Les sujets exceptionnels étaient conservés à l’école une année de plus et préparés spécialement pour l’examen des écoles d’arts et métiers où ils réussissaient parfois brillamment.
Les parents, qui voyaient l’avenir de leurs enfants dépendre beaucoup de leurs études, s’y intéressaient beaucoup et une grande émulation régnait dans ces écoles.

Mes filles voyaient souvent, surtout après la guérison de Gabrielle, les jeunes Anne-Marie et Louise d’Orcières qui avaient à peu près le même âge et nos relations avec les vieilles filles du Breuil et le ménage du Vicomte devinrent assez fréquentes. La situation de la famille devenait très gênée financièrement. Le vieux comte, qui avait été sous-préfet disait-on, avait perdu au jeu une partie de sa fortune. Aussi étais-je accablé de sollicitations pour placer le vicomte à l’usine et on faisait intervenir Marie pour m’intéresser davantage, mais il était peu intelligent, trop âgé et n’inspirait aucune confiance. On lui cherchait aussi une place dans les assurances, rien n’aboutit et on continua la même vie de misères jusqu’à la ruine finale qui eut lieu après son départ du Creusot.
Mes filles eurent aussi, durant ces dernières années du Creusot, des relations avec Madame Boelle, fille de Perroy, l’ancien directeur des constructions navales. Elle avait épousé l’ingénieur Boelle, sorti de l’école des Mines et fils d’un ingénieur de la Marine mort assez jeune. Boelle était au service des hauts-fourneaux dont le chef ne lui laissait pas grand-chose à faire mais il ne paraissait guère intelligent, était mou et sans aucune énergie. Sa jeune femme se dépitait de le voir dans cette position et accablait de ses plaintes Marie qu’elle venait voir souvent surtout pour lui tenir compagnie en l’absence de ses filles. Elle faisait aussi des démarches auprès de moi. Cette jeune femme avait un caractère plein de nerf et d’entrain et je regrettais qu’elle ne pût prendre la place de son mari, il me semble qu’avec son caractère on eût pu en assurer l’avenir. Mais il n’y avait rien à faire et après mon départ du Creusot, Boelle fut remercié ou bien il se retira de lui-même en voyant qu’aucun avenir ne lui était probable à l’usine.

René, revenu à la santé, aimait beaucoup la chasse et venait à Charmot durant la saison favorable. Il faisait alors des excursions bien fatigantes, il était bon tireur et nous rapportait parfois quelque gibier. Les autres chasseurs ne l’aimaient guère prétendant qu’après son passage, on ne pouvait plus rien trouver. Il chassait aussi à Mont, chez nos cousins Cornu[220] mais plus rarement. Je me souviens avoir accompagné Louis Cornu et René dans une de leurs promenades de chasse.
René, très altéré, voulant aller boire à une source voisine, me confia son fusil, je fis sans y penser quelques pas dans un champ, un perdreau partit sous mes pas. Je tirai, l’oiseau tomba. Fier de mon adresse imprévue, j’en restai là de mes exploits cynégétiques et n’ai pas tiré depuis le moindre coup de fusil.

En 1888, le jeune ménage Werth quitta le Creusot, nous allâmes le voir, Marie et moi, avant son départ. Après avoir dirigé le service des essais de la grande forge, puis le laboratoire avec succès, Werth voulant avancer plus vite, avait rêvé d’être mon second. En me pliant un peu à ses désirs, je l’avais chargé de quelques questions auprès d’autres services, mais il n’avait auprès d’eux aucune autorité et on ne l’écoutait pas ; il avait cherché une autre position. On le nomma directeur de l’usine de Fourchambault. Il y fut décoré au bout de très peu de temps pour son zèle dans les élections mais son conseil d’administration, qui n’approuvait pas sa politique le remercia et il quitta Fourchambault pour devenir directeur des usines de Denain.
Deux autres Centraux s’étaient fait remarquer avant lui au service des essais de la grande forge : Love et Teisset.
Love, fils de l’ancien président de la Société des Ingénieurs Civils, avait été pris assez vite au service de la Direction où il était sous les ordres de Charbonnier chef du service de la correspondance. Mais il mourut au bout de quelques années d’une fièvre typhoïde, je crois. Son père me donna à sa mort, une grande armoire pour loger les plans pouvant servir de table à dessin et je l’ai envoyé à René.
Teisset avait été placé comme chef de puddlage. Monsieur Henri Schneider, héritier des traditions paternelles, attachait la plus grande importance au puddlage et avait engagé Teisset à s'exercer lui-même à ce rude métier. Teisset cessait ses fonctions, il quitta même le Creusot pour entrer, comme associé, dans une usine fabriquant des turbines.

Séjournet[221], ancien polytechnicien démissionnaire et élève externe de l'école des Mines, avait débuté par le service des ateliers. On le prit ensuite à la direction sous les ordres de Love mais on lui préféra plus tard, un autre central Lichtenberger, et Séjournet, dépité, quitta le Creusot pour prendre la direction d'une usine métallurgique électrique.
Mme Séjournet était aimable et on l’eut vue volontiers davantage, mais elle était bien absorbée par ses quatre fils si rapprochés. Elle mourut phtisique peu d'années après son départ du Creusot. Le ménage s'était installé à Paris dans un appartement bien sombre et probablement malsain.
Sa sœur et son beau-frère avait été victimes, pendant leur voyage de noces d'un tragique accident. En naviguant sur un lac, le salon des voyageurs avait été envahi par la vapeur brûlante s'échappant de la chaudière du vaisseau et tous avaient péri lamentablement brûlés.

Lichtenberger devint chef de la correspondance quand Charbonnier remplaça Laferté comme chef du service commercial.

  Séjournet

Séjournet, élève de l'École des Mines de Paris (photo 1879)
© Photo collections ENSMP

Un autre Central, Compere, avait fait ses débuts au service des essais des ateliers de construction en s'occupant seulement des essais de machine à vapeur et il s'était créé ainsi une spécialité qui lui permit d'entrer plus tard comme ingénieur en chef dans la Société Parisienne des propriétaires d'appareils à vapeur où il fit toute sa carrière en réussissant pleinement.
Je citerai encore Auguste Morel, ancien élève externe de l'école des Ponts et chaussées. Entré dans le service de l'artillerie, il attira bientôt mon attention comme fort mathématicien. Il me paraissait utile que dans le personnel ingénieur si nombreux du Creusot, il y eut un théoricien capable de discuter savamment les problèmes les plus ardus mais son chef de service, Audebert et ses collègues de bureau d'études ne l'appréciaient guère et se demandaient quel parti on pourrait en tirer. Ces esprits si pratiques firent, après mon départ, partager leur opinion à Monsieur Schneider et on congédia Morel. Il avait épousé Jeanne Rougeau que mes filles voyaient souvent. Jeanne le retrouva plus tard professeur de physique mathématique à la faculté des sciences de Lyon. Il avait trouvé sa vraie voie.

En 1888, René, reçu à l'École des beaux-arts, était pris souvent par l'étude de ses projets qui avaient, comme ceux de ses camarades, des succès assez variables. Cela ne l'empêchait pas d'aller dans le monde. Il eut l'occasion d'apprendre le menuet et de le posséder assez bien pour venir faire danser au Creusot. Marie fut enchantée de cette idée. Elle possédait quelques vieux costumes du siècle passé que lui avait donnés sa bonne tante Eugénie. Elle s'empressa d'en faire profiter ses enfants. Les quatre couples de danseurs étaient : René avec Lucie Poirre, Eugène Fyot avec Eugénie Petiet, Guillot avec Jeanne, enfin Des Nouhes avec Gabrielle.
Après quelques répétitions sous la savante direction de René, le menuet était suffisamment bien possédé, nous donnâmes une soirée qui me parut très réussie.
Marcel entra cette année à Stanislas de Cannes pour s'y préparer à sa première communion. La retraite fut prêchée par l'abbé Fremont, le brillant orateur que j'ai entendu l'année suivante lors de la première communion.
Le 15 décembre, eut lieu un grand concert organisé par Madame Schneider et donné dans la salle de musique, je crois. On y fit jouer l'opérette de « Monsieur Choufleury restera chez lui » par de Morny[222]. Les principaux acteurs étaient : Séjournet avec Lucie Poirre presque toujours en scène, puis Eugène Fyot, Duhamel etc … cela fut très réussi et convenablement chanté. Il y eut aussi des chœurs du « Domino Noir[223] » et de « Mireille[224] » avec l'aide de la chorale et de l'harmonie des usines.

En 1889, année de l'exposition, j'allais à Paris passer une quinzaine de jours. Je les passai à Antony en venant tous les jours à Paris. Ma pauvre Marie désirait vivement, elle aussi, faire ce voyage. Elle me suppliait d'y consentir, croyant que la dépense qui en résulterait motivait mon refus, elle voulait prendre des 3èmes[225]. Mais ce n'était pas raisonnable avec l'état dans lequel elle se trouvait et qu'on voyait s'aggraver lentement.

Tour Eiffel - 1900

Neurdein frères, " La tour Eiffel ",
BnF, Estampes et Photographie, D.L. 1900, Qb1 1900 folio,  photographies de Neurdein, tome 3

Elle avait eu une journée de bonheur en retrouvant debout sa chère Gabrielle. Je vois encore mes deux filles devant le piano à côté de leur mère qui les accompagnait, toutes deux avaient une même robe, Jeanne en rouge, Gabrielle en bleu, avec un brassard aux manches de même couleur que la robe. C'était un charmant spectacle à mes yeux. La voix de Gabrielle se faisait entendre à côté de la voix plus puissante de Jeanne. Elle me rappelait celle d'un jeune poulet ou même d'un jeune coquelet.
Au mois de juillet, nous eûmes la visite de notre cousine, Madame Spire[226], qui nous consacra quelques jours. Elle était heureuse de retrouver ma mère qu'elle aimait beaucoup.
Le 9 avril 1890 mourut Marie Petit-Bergonz[227] vivement regretté par sa famille ; son père, désolé au lieu de chercher une consolation dans l'espoir de la retrouver dans une vie future, pris en haine désormais la religion et ses prêtres. Cette date du 9 avril, qui était jusqu'alors un anniversaire d’événements heureux[228] rappela désormais une triste journée.
Marcel entre à l’école Saint-François de Dijon peu de temps après, en octobre, il y resta jusqu’en 1894, date à laquelle il fut reçu bachelier.
En 1890, le 28 octobre, eut lieu à Caen, le mariage de mon frère Ernest, avec Louise Vieillard, fille d’un ingénieur du corps des Mines, mort depuis quelques années. Le diner de famille qui nous fut offert était présidé par son frère, le général Vieillard[229], du génie. Ma charmante nouvelle belle-sœur avait deux sœurs. L’ainée, madame Fanet, dont le mari était capitaine d’infanterie. La plus jeune épousa plus tard Monsieur du Fau, officier de cavalerie.

Au mois de décembre, j’eus à faire un voyage au sujet de machines marines. Je profitai de l’occasion pour faire en même temps une visite de famille et passai quelques jours chez mon beau-frère Clément[230] qui, après avoir été procureur de la République à Gap, avait été nommé avocat général à Poitiers.

Nous faisions alors les essais des machines du croiseur « Troude[231] » au port de Rochefort. Ces essais que dirigeait un ancien officier mécanicien de la Marine à notre service Eveno, n’avaient pas réussi. Les machines avaient parfaitement fonctionné mais au tirage forcé, la production de vapeur aux chaudières n’avait pas permis de développer une puissance nous donnant droit à une belle prime.

Je me rendis à Rochefort où le navire était rentré et je reconnus bien vite que les ventilateurs que nous avait fournis la maison Elwell[232] de Paris étaient insuffisants pour remplir le travail sur lequel nous comptions.

 
Le croiseur Troude
Le croiseur Troude
Le Cosmao Le directeur des constructions navales, mon camarade Berrier-Fontaine[233], voulait s’emparer de l’affaire et diriger la discussion. Fort de notre responsabilité, je m’y refusai et je conclus au rebut des ventilateurs et à leur remplacement par d’autres plus puissants. Nous construisîmes ces ventilateurs au Creusot et après quelques essais préliminaires, en apportant toute célérité, les essais furent recommencés en ma présence et réussirent pleinement. Le navire fila 23 nœuds, environ 42 kilomètres. C’était une fort belle vitesse à cette époque de 1890. Le Creusot toucha une prime de 300.000 frs.
Des résultats analogues furent obtenus sur les deux autres croiseurs du même type « Lalande[234] » et « Cosmao[235] ».
Elwell reprit ses appareils rebutés mais on lui fit grâce de toute pénalité.
Le Lalande
Le Lalande
Le Cosmao  

Nous faisions, à cette époque, donner des leçons de peinture à Gabrielle par Bernardo qui venait fréquemment, il s’intéressait beaucoup à son élève. Il habitait Autun. Comme il fallait payer son voyage, les leçons étaient forcément assez chères, nous le gardions à déjeuner, la leçon pouvait ainsi être longue sans trop de fatigue. Les modèles de Gabrielle furent d’abord un enfant qui posa en enfant de chœur, puis d’une ouvrière de la mine au costume pittoresque, qui exigea de nombreuses séances. Cette toile, de grande dimension, fut laissée à la Direction lors de notre départ du Creusot. Je crois qu’elle orne encore une des salles où l’on reçoit les visiteurs. Puis ce fut mon portrait, qui fut terminé au moment de notre départ. Bernardo a donné aussi des leçons pendant notre séjour à Charmot, mais je ne me rappelle plus quels étaient les modèles. Madame Bernardo est venu un jour nous y voir à ce qu’il me semble.
Le 24 avril 1891, nous apprîmes la mort de la bonne tante Eugénie[236], bien regrettée de tous. Marie disait d’elle : « quand on approche ma tante, on se sent aussitôt devenir meilleure ».
Le 19 mai, mourait mon beau-père, enlevé bien rapidement par une congestion pulmonaire. Marie, qui était venue avec ses filles à Paris peu après l’enterrement de sa tante, assistait aux derniers moments de son père. Né en 1804[237], il avait 87 ans et n’avait été affligé d’aucune infirmité. Il avait eu une bien belle vieillesse. Le service funèbre eu lieu à Antony où il voulait être inhumé et les pompiers reconnaissants d’un petit legs qu’il leur faisait, l’accompagnèrent de leur fanfare à sa dernière demeure.
Après la mort de son mari, ma belle-mère, quittant la rue Mogador, prit un appartement rue d’Aumale au-dessus du ménage Albert. Je ne sais si son déménagement fut immédiat mais au mois de juillet ou août, elle accompagna Marie aux eaux de Bagnols. Elle passa l’hiver suivant à Cannes.
C’est à la fin de 1891 que René est entré en première classe aux Beaux-Arts. Il ne devait avoir son diplôme qu’en 1894. Il avait réussi à s’assurer la bienveillance de son patron, Monsieur Blondel, en donnant quelques leçons de mathématiques à son fils, candidat à l’école des Beaux-Arts.

Au mois de décembre, eut lieu à la salle de musique, dite aussi salle des fêtes, une grande soirée ou concert de bienfaisance, je crois. Ma mémoire ne me rappelle que deux petits faits. Gabrielle avait dessiné de magnifiques programmes, elle réserva les plus beaux aux membres présents de la famille Schneider en faisant payer chacun d’eux 20 frs. D’autre part, il y eut une tombola. Marie avait préparé de nombreux lots et je possède encore un sachet qu’elle avait commencé à cette occasion et qu’elle n’avait pas complètement terminé. Marie, encore en grand deuil, n’avait pas paru à cette réunion où j’étais venu avec nos filles. Je me demande ce que pouvaient représenter ces programmes, sans doute y avait-il une petite opérette dont ils figuraient quelque scène, peut-être le nouveau seigneur du village, mais je ne saurais l’affirmer. La soirée, d’ailleurs, sembla être réussie.
Le premier janvier me paraissait, au Creusot, une journée insupportable. Je crois bien qu’en raison de son état de santé, Marie se dispensa de toute visite en 1892 et que 1891 fut la dernière année où la cérémonie d’habitude s’appliqua pour nous dans toute sa rigueur.
Le matin, accompagné de tous les agents de la direction, réunis dans la salle de réception, j’offrais à Monsieur Schneider, les vœux de ce personnel en y ajoutant quelques paroles de circonstance. Il y répondait par quelques compliments ou observations générales. Venaient ensuite, successivement, le chef des différents services, accompagnés des agents sous leurs ordres.
L’après-midi et le plus tôt possible, nous nous précipitions, Marie et moi, avec nos filles à la Verrerie, d’abord, puis chez Mesdames Laferté et Chosson-Toussaint, ou chez celles qui les avaient remplacés et nous nous hâtions de rentrer à la maison pour recevoir le flot des visites. C’étaient d’abord, les grands chefs de la Direction qui venait pendant que nous étions chez eux, puis le défilé commençait, des agents de quelque importance avec leur femme, ils se succédaient si nombreux qu’ils avaient à peine le temps de s’asseoir, de dire quelques mots et de se sauver pour laisser leurs places à d’autres. La pauvre Marie était le plus souvent fort embarrassée voulant être aimable et se trouvant en présence de personnes dont elle ignorait souvent l’existence. Moi-même, je ne pouvais pas toujours lui venir en aide. Plus tard, venait alors Monsieur Schneider et le lendemain, je recevais les jérémiades de mon domestique sur l’état dans lequel on avait mis son salon.

Marie ne pouvait plus aller à pied à l’église et toutes les fois qu’elle avait une course à faire dans la partie haute de la ville, elle prenait l’omnibus de l’hôtel du Guide qui était sous nos fenêtres. Elle avait aussi de la peine à monter un de nos étages et elle s’arrêtait à mi-hauteur pour reprendre haleine. Je demandai à Monsieur Schneider de me faire établir un ascenseur. Il eut été préférable de l’actionner par un moteur électrique mais ce n’était pas encore possible à l’époque alors, il fallait l’avoir hydraulique et la pression de l’eau dont on disposait était bien juste suffisante pour arriver à un bon résultat aussi le fonctionnement laissait-il à désirer. Il fut mis en place en décembre 1890.
Le jeudi 25 février 1892, Bernardo était venu donner à Gabrielle sa leçon habituelle qu’elle prenait avec Angèle Mangematin. Il avait déjeuné avec nous, et Marie après avoir servi le café dans le billard avait manifesté l’intention de remonter au bureau, un instant après, je voulus descendre à la cuisine pour examiner le fourneau de Charmot qui avait besoin de réparations et que j’avais fait déposer dans le jardin. En arrivant dans l’antichambre, à mon grand effroi, je vis Marie étendue sur le parquet et essayant en vain de se relever en s’appuyant sur le bras droit. Je crus d’abord à une chute accidentelle, son pied ayant glissé, ou bien elle se serait accrochée à la table en passant. J’appelai mon domestique demeuré dans l’office après le déjeuner et nous essayâmes de relever ma pauvre femme, puis de la transporter dans sa chambre, mais mes bras tremblaient tellement que je n’avais plus aucune force. Enfin, Louis la portant par le buste et moi par les pieds, nous parvînmes à gravir un étage. Je fis demander le docteur Defontaine qui avait succédé à Caucal comme chef du service médical ; il vint aussitôt et ne tarda pas à constater une paralysie du côté gauche du corps et droite de la tête. C’était une hémiplégie causée par une embolie. On demanda au docteur Poirre de venir apporter ses lumières. Le cas était très grave, il ne fallait pas le dissimuler. On fit poser une sangsue derrière l’oreille droite, je ne me rappelle plus les autres remèdes prescrits.
Il fallait s’organiser pour soigner la malade. Je fis demander une sœur à Chalon. On pouvait compter sur la bonne Mariette. Madame Morlevat proposait ses services, puis j’envoyai des dépêches à ma belle-mère. A Cannes, à mes enfants et à nos belles-sœurs. Jeanne était à Paris, chez sa tante Marguerite. Elle prenait des leçons de chant avec Monsieur Masson, professeur au conservatoire à qui Faure[238] l’avait recommandée. J’avais aussi télégraphié à Bagnols au docteur Bourillon, qui soignait Marie depuis tant d’années. Il répondit en conseillant une potion au calomel[239] qui lui avait tant réussi quelquefois ; elle fut essayée mais inutilement. Tout le monde était arrivé et on assista maintenant à cette longue agonie.
La pauvre Marie avait encore, par moments, sa connaissance, ainsi nous avions dans notre chambre entre la cheminée et la porte d’entrée, une grande et belle armoire que j’ai donnée depuis à René. On avait enlevé un des battants de la porte pour figurer les boiseries de la sacristie dans laquelle était censé se tenir le petit enfant de chœur que Gabrielle était en train de peindre. Marie nous fit très bien comprendre qu’elle désirait voir ce battant remis en place. Cependant quand sa mère entra dans sa chambre, elle se mit à chanter, et la pauvre mère, bien douloureusement émue, se sauva sans vouloir en entendre davantage.
Elle faisait entendre un gémissement perpétuel, bien douloureux à nos oreilles. J’avais abandonné tout service à l’usine ne pouvant m’éloigner de cette malade si chère et cherchant une occupation dans mon intérieur, tantôt allongé sur une chaise longue dans le bureau à côté de la chambre pour entendre encore ses gémissements ; puis j’avais voulu me remettre à faire quelque peinture imitant les tapisseries, mais je n’avais plus de goût à rien, je perdais mon grand ressort ; tantôt, je faisais faire un peu de latin à Marcel.
La situation se prolongeant, on jugea bientôt prudent de ne pas attendre plus longtemps avant d’administrer les derniers sacrements et le bon curé Berry s’empressa de s’en charger. Marie eut parfaitement conscience de ce qui se passait et on l’entendit murmurer un merci quand ce fut terminé.
Dans une des dernières minutes, elle demanda à me parler. On lui répondit que je dormais et on ne voulut pas me réveiller ce que j’ai bien regretté par la suite.
La nuit suivante, je crois, Jeanne, demeurée près de sa mère, vint me dire qu’elle ne savait pas ce qui se passait mais qu’une nouvelle crise était survenue. Je trouvai effectivement une absence complète de connaissance, des grincements de dents, une surexcitation nerveuse à son paroxysme. Puis un apaisement relatif commença et le samedi soir 5 mars, Marie rendait le dernier soupir.[240]
Le 25 février, pendant que nous étions si tristement préoccupés, les demoiselles d’Orcières m’avait semblé vraiment insupportables, ayant pris notre maison comme lieu de rendez-vous ; il n’y avait pas eu moyen de leur faire comprendre que nous voulions être seul.
J’avais demandé au docteur Defontaine de prendre quelques précautions pour empêcher la corruption du corps, malheureusement, la préparation arsenicale qu’il avait injectée était trop abondante et la morte avait les traits gonflés quand Bernardo vint la contempler une dernière fois avant de faire le portrait que je lui avais commandé et qui, malgré tout nos efforts réunis n’a jamais été très ressemblant.

L'enterrement eut lieu le mardi suivant. Le cercueil avait été placé dans l'antichambre tendue de noir et des fleurs disposées tout autour, grâce à la bienveillante autorisation de Madame Henri Schneider, était un dernier témoignage d'affection à celle que nous regrettions. L'office fut très émouvant, la belle voix de Madame Mussat, femme d'un ingénieur des Ponts-et-chaussées que Marie aimait tant à entendre, se joignit harmonieusement aux accents de l’orgue et une nombreuse assistance remplissait les églises ; cela n'était pas un enterrement banal et je croyais voir sur tous les visages une expression de sympathie et de regrets.
Après cette grande secousse, j'avais peine à croire à la réalité, je demeurais tout désemparé, sans aucune énergie. Marie tenait une telle place dans mon existence, toutes nos pensées étaient communes, pendant ses nombreuses absences, indispensables, nous nous écrivions chaque jour et de très longues lettres, j'avais vraiment perdu celle qui était la vie, le charme de mon intérieur, celle qui faisait le bonheur de mon existence. Quelle tristesse, désormais, pour moi en songeant à l'avenir qui m’attendait.
J'essayais de me remettre immédiatement au travail en allant à mon bureau, mais mon esprit n’y était guère. Il revenait toujours à ces pénibles journées qui venaient de s'écouler. Je ne veux pas me laisser aller à ces douloureux souvenirs.
J'avais demandé à Gabrielle de m’aider de ses souvenirs sur ce qui se passa à la mort de Marie. Elle avait vécu si longtemps en complète intimité avec sa mère et aussi avec Mariette qu'elle pouvait connaître bien des détails que nous ignorions. Elle m'a répondu les lignes suivantes que je reproduis ci-après.
« Après ce malheureux essai, la fidèle Mariette demeura seule un instant auprès du corps de sa maîtresse et en voyant son cher visage demeuré tout marbré et bleui, elle eut le courage, pour éviter ce spectacle aux siens, de procéder à un massage qui ramena, du moins, un aspect plus naturel. »
Longtemps après, elle a avoué à Gabrielle cette preuve de dévouement ajoutée à tant d'autres.
Elle avait reçu souvent la confidence des souffrances que sa maîtresse cachait aux siens pour ne pas les attrister et celle-ci lui avait dit qu'elle se savait exposée à une mort subite et se tenait toujours prête.
Pendant que Gabrielle était auprès d'elle, elle lui dit « tu sais, il n'y a pas que les religieuses qui puissent faire du bien, on peut se dévouer beaucoup dans le monde ». Puis à un autre moment « les pauvres... il faut bien penser aux pauvres et leur donner tout ce qu'on peut ».
Sa charité était inépuisable, en effet, et on ne pourrait compter le nombre de personnes qu'elle a secourues, non seulement de ses aumônes, de son travail, mais encore de son assistance morale, de ses conseils, de ces encouragements. Son souvenir est resté vivant chez tous ceux qui l'ont connue. Une de ses amies disait en parlant d'elle, bien des années après sa mort : « elle apportait du soleil partout où elle passait ».
Sa disparition fut un deuil général, les mots ne peuvent exprimer le vide qu'elle laissa parmi nous, mais elle a continué de faire du bien par ses exemples et que de fois ses enfants s'en sont inspirés pour diriger leur vie. J'ajouterai encore, aux lignes de Gabrielle, le fait suivant : en rangeant les papiers de Marie, j'avais trouvé un reçu d'une somme de 150 ou 200 frs, signé par Eugénie Patin, notre laveuse, un esprit borné, peut-être, mais dévouée à ses trois garçons qu'elle avait bien de la peine à élever avec le produit de ces journées de travail. Je supprimai naturellement le reçu en souvenir du bon cœur de Marie. Il y a quelques années, je reçus une lettre touchante de ces trois frères, établis mécaniciens à Suresnes, pour me remercier des bontés que Marie avait eues pour leur mère et dont ils se montraient encore bien reconnaissants.
Nous avons laissé à l'église notre drap mortuaire, il servit pour la première fois à l'enterrement du notaire Devocouse, qui s'était suicidé croit-on après avoir dilapidé toutes les valeurs déposées chez lui. Il était le beau-père du docteur de Fontaine. Il servit ensuite à l'enterrement de notre excellent curé, l'abbé Berry. On lui fit de belles funérailles, mais la fanfare des pompiers donnait à la cérémonie un caractère militaire qui contrastait étrangement avec l'esprit pacifique et charitable du saint homme.

Il fallait pourtant me préoccuper de l'avenir de mes enfants. Notre grande préoccupation durant cette dernière année avait été leur mariage. Celui de Jeanne, surtout, qui avait 22 ans et qui le désirait vivement.
On nous avait proposé plusieurs partis, mais aucun ne nous avait paru assez satisfaisant pour nous y arrêter.
Il nous eût été bien difficile de marier nos filles au Creusot, dans ce milieu où tant de personnes s'observaient, se jalousaient. Je sentais tous les ennuis que m’attirerait la présence d’un gendre sous mes ordres. J'avais déjà été pris à partie dans un journal de Chalon où j'étais accusé de partialité pour plusieurs jeunes gens que nous recevions souvent. Une enquête fit découvrir le jeune Central auteur de ces attaques et on l’invita à porter ailleurs sa plume venimeuse.

Jeanne Barba épouse Vachon Sur ces entrefaites, Fanny Petiet[241], d'accord avec Madame Vavin, proposa un mariage avec Maurice Vachon[242] ancien condisciple de René à Mongré[243], il n'avait pas voulu se présenter à Saint-Cyr, il s'était engagé, il était actuellement lieutenant au 19e Dragons en garnison à Dole. Je savais la modicité des soldes dans l'armée, la lenteur de l'avancement dans la cavalerie, mais je pensais qu'avec une stricte économie, le jeune ménage saurait se tirer d'affaire et puis, je consultai ma belle-mère qui était près de nous avec Thérèse. Ma belle-mère se montra heureuse à la pensée que sa petite-fille entrerait dans une famille avec laquelle son ménage entretenait depuis longtemps des relations intimes.
Le grand-père de Maurice, Monsieur Alquié, qui avait connu mon beau-père en Afrique, avait, je crois, contribué à son mariage[244]. Puis à l'époque de mon mariage, j'avais connu la tante de Marie, Mademoiselle Célénie Alquié[245], devenu ensuite Madame Boysson d’Ecole, elle était alors très intime avec Marie, très bonne musicienne, toutes deux, elles se réunissaient souvent pour jouer à quatre mains. Je les avais entendues plusieurs fois, entre autres à une soirée où j'avais été invité par Madame Alquié. Toutes ces considérations m'amenèrent à donner mon consentement à ce mariage.

Jeanne Barba épouse Vachon

Après cette acceptation de principe, un rendez-vous fut pris à Dijon, à l'hôtel de la cloche pour mettre les jeunes gens en présence, Monsieur Adolphe Alquié accompagnait son neveu[246] et j'y conduisis Jeanne. L'impression ayant été favorable de part et d'autre, j'invitai Maurice à venir au Creusot. Le mariage fut ensuite résolu pour la fin de l'année. Nous allâmes tous passer quelques jours aux Thorins[247].Ma belle-mère voulant remplacer sa fille, désira que le mariage eut lieu à Paris, à sa nouvelle paroisse, Notre-Dame de Lorette. Elle demeurait alors rue d'Aumale[248], au-dessus du ménage de son fils Albert.
Un dîner de famille eut lieu dans l'appartement de ma belle-mère, il fut très intime car nous étions en grand deuil depuis la mort de Marie qui remontait à peine à 9 mois. Le mariage civil eut lieu à la mairie du 9e arrondissement et le mariage religieux le lendemain 28 décembre à Notre-Dame de Lorette.
Il me semble que le soir du mariage de Jeanne, ma belle-mère eut une très légère attaque qui troubla le mouvement d'une de ses mains et qui la préoccupa beaucoup ; je crois qu'au bout de quelques temps, le mouvement redevint normal mais c'était un avertissement.
À partir du mariage de Jeanne, ma mère demeura souvent avec nous. Elle était à Charmot les deux étés que nous y passâmes encore en 1893 et 1894. Pendant ce dernier été, Jeanne y est venu avec Thélis durant les grandes manœuvres de son mari. Thélis était déjà un bel enfant bien dégourdi pour son âge.[249]
Nous reçûmes la visite de Madame Roque et de sa fille, Gabrielle et aussi celle de Madame Saint-Girons et de Madame Kreyder.
Monsieur Saint-Girons, toujours bien obligeant, chercha à marier René. Mais je veux d'abord insister sur le rôle on ne peut plus charitable qu'avait joué cet excellent ami au moment de la mort de Marie. Il s'était prodigué pour les démarches à faire, pour aplanir les petites difficultés qu'avaientt soulevées les dernières choses dont Marie s'était occupée.
Augustin Morel s'était montré aussi fort obligeant.
Monsieur Saint-Girons proposait pour René un mariage avec Mademoiselle Marie Orsel, fille de mon camarade ingénieur de la marine que j'avais vu lors de ma mission à Marseille avant d'entrer au Creusot et qui était venu depuis au Creusot, je ne sais pour quel motif. Il était mort depuis quelques années et la jeune fille vivait chez son oncle, inspecteur général des mines à Cerelles[250], près de Tours. Le parti, d'après les renseignements recueillis me paraissait très convenable. René ne pouvait trouver mieux. Restait à connaître l'appréciation des deux intéressés. Après quelques entrevues, elle parut satisfaisante des deux côtés. J'avais à Cerelles pour faire ma demande qui fut favorablement accueillie.
Le mariage civil eut lieu à la mairie de Cerelles dont Monsieur Orsel était le maire et où l'on nous offrit, il me semble, un très bon déjeuner. Le mariage religieux eu lieu à Sainte-Clotilde et un lunch fut servi dans les bureaux de Monsieur Orsel. C'était en octobre 1894.

René Barba Marie Orsel épouse Barba

René Barba

Marie Orsel épouse Barba

Le mois suivant eu lieu, au Creusot, le mariage de Monsieur Eugène Schneider avec Mademoiselle de Saint-Sauveur, il y eut un grand banquet dans la salle de musique, je crois et d'après le désir de Monsieur Henri Schneider j’eus à souhaiter la bienvenue à cette nouvelle famille qui s'unissait à celle des Schneider. Il y eut une grande soirée mais je n'y parus pas.
J'ai raconté ailleurs comment, peu de temps après, j'ai donné ma démission[251].
À mon départ du Creusot, en faisant des emballages, une écharpe entrée dans ma main y avait déterminé une vraie colonie microbienne. En arrivant à Dole, où Josette[252] venait de naître, on dut me cautériser avec un thermocautère[253] et je fus pansé pendant plusieurs semaines avec de l’iodoforme[254] à l'odeur si pénétrante et désagréable. J'infectais positivement la maison de la bonne tante Marguerite pendant qu'on faisait notre déménagement.
À la fin de décembre, nous avions fait un premier voyage à Paris pour chercher un appartement. Il faisait bien froid alors et nous avons eu de la peine à trouver ce que nous cherchions, 39 rue Mozart[255].
En revenant, nous nous sommes arrêtés aux Plauts où la pauvre Eugénie Petiet[256] était dans le plus triste état. Entrée au couvent peu de temps après le menuet, elle en était sortie phtisique et elle touchait maintenant à sa dernière heure. Son père ne lui survécut pas longtemps.[257] Sa mère se retira dans un couvent. On vendit les Plauts. Pour cette famille aussi, c'était la ruine.[258]

Château des Plauts

Château des Plauts

Nous rentrâmes ensuite au Creusot pour faire les emballages.
Pendant que j'écris ces dernières lignes sur le Creusot se pressent encore à ma mémoire bien des souvenirs de mes premières années de mariage, surtout de nos séjours à Antony. Les jeunes amis de Marie, Louise et Madeleine Persil, filles d'un notaire de Paris et petites-filles de l'ancien garde des sceaux de Louis-Philippe, la première bien laide, la deuxième assez gentille.
Nous voyions encore les Bideau, Gustave et Justin dont le père était disait-on propriétaire foncier le plus imposé de Paris, et puis les voisins de la rue des Moulins[259], les Percin et d’Echevery dont le jardin touchait celui de mes beaux-parents, traversés tous deux par la Bièvre. Une grille les séparait au passage de la rivière. On accusa René de l'avoir ouvert et d'avoir ainsi causé l'évasion d’un cygne. Dans ce jardin, il y avait une pièce d'eau où les jeunes belles-sœurs venaient se baigner pendant qu’une embarcation surveillait leurs ébats.
Il y avait aussi les Didier avec leur fille Victorine et leur gendre, le facétieux Pilliot. On allait se promener au bois de Verrières et quelquefois on se réunissait pour des parties de campagne comme celle que nous fîmes au Vaux de Cernay et dans la vallée de Chevreuse.
J'entends encore la voix de Pilliot apostrophant à une station un brave voyageur qui suivait une pauvre femme courbée sous le poids d'un lourd fauteuil en lui reprochant vivement son peu de charité, au grand ébahissement du bon homme et à la grande joie des voyageurs du train.
Il y avait aussi des dîners en plein air durant les jours de l'été avec quelques visiteurs, par exemple le ménage Faure et souvent les François Bonnafont.

Abbaye des Vaux de Cernay

Abbaye des Vaux de Cernay


Visites

Nous recevions, au Creusot, de nombreuses visites et parfois de personnages importants. Je ne saurais me rappeler l'ordre et la date de ces visites.

Le Dandolo C'était le ministre italien Brin[260], avec d'autres ingénieurs au moment de nos marchés Duilio et Dandolo[261], et de notre assistance pour la création de l'Aciérie de Terni, puis des Argentins avec notre représentant Léon Forgues dont on connaît la triste fin lors de la débâcle financière de cette République. Nous lui fournissions d'énormes quantités de barrières en fil de fer et ronces artificielles pour enclore des pâturages. Puis des Américains du Nord, les ingénieurs Fritz et autres de l'usine de Betlehem en Pennsylvanie[262] avec l'ingénieur Barba, dont le nom s'écrivait absolument comme le mien et notre représentant Barber dont le séjour parmi nous se prolongea lors de notre traité avec établissement pour y installer la fabrication des blindages au nickel et des canons.

Le Dandolo

Nous avions aussi la visite du prince de Joinville et du comte de Paris, toutes ces visites étaient accompagnées de déjeuners, dîners ou réceptions à la Verrerie.
L'Espagne nous envoya le colonel Hontoria auteur de divers canons que nous devions fabriquer. Notre ingénieur Simon faisait en Espagne des séjours prolongés pour nous continuer ces fournitures. Sa femme qui était une demoiselle champagne de Lyon, et ses deux enfants, restaient alors seuls au Creusot. Marie les recevait volontiers.
C'était encore l’égyptien Bochos Nubar pacha[263], au sujet d'un marché pour des machines des eaux du Caire, puis la Russie nous envoyait l'amiral Makharof pour les essais du blindage d'un grand navire, les Japonais avec le Maréchal Oyama[264], l'amiral Kabayama[265], etc… auxquels je dus offrir un festin à l'hôtel Rodrigue avec speech à l'appui ; ensuite des Chinois, le marquis Tseng, ambassadeur d'Allemagne, d'autres encore dont je n'ai pas retenu les noms. Je dus les recevoir chez moi et ils firent le bonheur de mon domestique qui les surprit un jour faisant leurs ablutions dans leur seau de toilette. Je leur fis servir chez moi un beau dîner par l'hôtel Rodrigue. Marie était absente et ma mère eut alors la corvée de présider à ce festin auquel assistait Jeanne. Le chef de la mission croyant faire à ma fille un beau compliment prétendait qu'elle lui rappelait sa propre fille mais il remarqua que la vaisselle dans nous nous servions portait la marque de l'hôtel Rodrigue et cette constatation me fit baisser dans sa considération. Cette réception de même que celles auxquelles j'assistais à l'hôtel étaient pénibles à l'amour-propre de Laferté, de Charbonnier qui le remplaça plus tard et ils ne me dissimulaient pas leur mauvaise humeur.
C’était aussi le prince Napoléon et ses deux fils, Victor et Louis. Monsieur H. Schneider avait jugé plus politique d’être absent du Creusot et de confier à son beau-frère Asselin la mission de le remplacer, mais il m’avait demandé d’accompagner cette visite qui ne présenta d’abord rien de particulier. Le prince me sembla fort intelligent et intéressé par tout ce qu’il voyait. Plusieurs chefs de service s’étaient joints à nous.
A midi, Asselin demanda à tout le monde de venir déjeuner chez lui, mais il ne me comprit pas dans l’invitation. Cette grossièreté était motivé parait-il par le fait que je ne l’avais jamais invité aux petites réunions que nous avions données. Il oubliait que jamais il n’avait fait à ma femme la moindre visite. Le prince parut stupéfait, il avait eu plaisir à recevoir mes explications et c’était avec moi qu’il s’était le plus entretenu. Je n’attachai aucune importance à cette fin de visite et je ne tenais pas à continuer de relations avec ce triste amphitryon.
Nous eûmes aussi la visite du Maréchal Mac-Mahon, alors président de la République, venu du château de Montjeu avec l’équipage de sa cousine, la marquise de Mac-Mahon chez laquelle il était en villégiature. Après la visite, au moment du départ, la calèche était dans la cour de la direction, entourée d’une grille et un nombreux public observait ce qui se passait. Un des traits vint à se rompre et ce fut un spectacle assez pittoresque de voir le chef de l’état occupé à raccommoder avec de la ficelle l’attelage avarié et puis tout le monde était empressé autour de lui.
Je citerai encore l’attaché militaire roumain prince Ghika qui vint de Paris avec moi pour assister à quelque tir. Laferté, qui dirigeait notre bureau de Paris depuis le départ de Matthieu, m’avait recommandé de soigner le prince. Aussi, au buffet de Chagny où nous dînâmes, je lui offris une bouteille de je ne sais quel excellent cru. Il le dégustait avec volupté quand je m’étonnai du retard que l’on mettait à nous appeler. A ma grande stupéfaction, j’appris que notre train était parti emportant nos deux valises que nous y avions déposées. C’était le dernier train, il fallait passer la nuit à Chagny. Mon hôte, de fort mauvaise humeur se plaignit de manquer d’un certain objet de toilette indispensable, nous nous mîmes dans les rues fort obscures de Chagny à la recherche d’un hôtel et de quelques magasins encore ouverts. Nous finîmes par aboutir dans nos recherches et le lendemain, par le premier train, nous arrivions au Creusot. Le prince descendit à la Verrerie où je fis porter aussitôt sa valise. Mon domestique, qui était venu m’attendre la veille et apercevant une autre valise à côté de la mienne qu’il reconnaissait, il les avait portées toutes deux à la maison.
Nous eûmes aussi la visite de l’ingénieur danois Nielsen et du capitaine de frégate suédois Christersen. Je les reçus tous deux séparément chez moi et ce dernier offrit à Jeanne, en remerciement, un petit album représentant les femmes de son pays en grand costume. Ils venaient tous deux pour des fournitures de blindages.
Notre représentant dans les pays scandinaves, Mathis était un très aimable convive, contant avec humour des anecdotes de la cour suédoise. Il était, je crois, attaché à notre ambassade. Il mourut malheureusement à un hôtel de Paris d’une fluxion de poitrine à peu près au moment où je quittai le Creusot.
Presque à la même époque, les généraux Billot et Gallifet vinrent assister aux essais de la tourelle à éclipse du commandant du génie, plus tard général Galopin. Cette tourelle, armée de deux canons de 15 cm était à l’éclipse comme position normale. Elle était portée par l’extrémité d’un balancier, un contrepoids l’équilibrait en grande partie à l’autre extrémité de façon à pouvoir osciller autour de l’axe du balancier. Les canons, dûment pointés à l’avance, en hauteur et en direction grâce à un contact électrique redescendait aussitôt et se verrouillait de nouveau elle-même. On n’avait plus qu’à remonter le poids mobile. On rechargeait les canons et tout était prêt pour un nouveau tir.
Les expériences furent très satisfaisantes et ce genre eut été parfait si on avait pu empêcher la destruction des abords dans la tourelle que le béton et des plaques de fonte dure ne protégeaient guère efficacement. Plusieurs de ces tourelles avaient été construites autour de Verdun et de Maubeuge, je crois.
Je signalerai enfin la visite que faisaient tous les ans des élèves de l’école d’application de Fontainebleau. Ils restaient plusieurs jours occupés à différents relevés. J’y revis ainsi de mes anciens condisciples du lycée de Metz. Le capitaine Berquin[266], reçu deux ans après moi et venu pour organiser les études de ces jeunes officiers.
Je signalerai encore la venue des membres du congrès de la navigation sur les canaux où les ingénieurs des Ponts-et-chaussées étaient en grande majorité. Ce fut l’occasion d’un grand banquet à la salle de musique. Je me trouvai à côté de l’ingénieur en chef Denis que je devais revoir à Moulins pendant la guerre (1914). Il avait eu dans cet intervalle un désastre pour sa carrière d’ingénieur. Il eut dans son service la rupture d’un barrage précipitant sur le voisinage des masses d’eau qui dévastèrent toute la région. On le rendit responsable de ce malheur dont il se prétendait la victime innocente.

1886-1889 Cannes – Guérison de Gabrielle 1889-1894 Le Creusot Notes sur le Creusot

[220] Ndlr : voir note 194.

[221] Ndlr : Séjournet, Jean Adolphe Paul Marie (X 1874 ; 1855-1942). Réf. [2].

[222] Ndlr : Opéra bouffe en 1 acte de Saint-Rémy (pseudonyme du duc Auguste de Morny); musique de Jacques Offenbach.  Créé au théâtre des Bouffes-Parisiens, le 14 septembre 1861.

[223] Ndlr : opéra-comique (1837) de Daniel-François-Esprit Auber (1782-1871). Réf. [2].

[224] Ndlr : opéra en cinq actes, musique de Charles Gounod sur un livret de Michel Carré d'après le poème de Frédéric Mistral, créé le 19 mars 1864 au Théâtre Lyrique. Réf. [2].

[225] Ndlr : 3e classe en train sans doute.

[226] Ndlr : voir note 164 p. 73.

[227] Ndlr : fille ainée de Léon Petit-Bergonz et Marguerite Bonnafont. Née le 12 avril 1878, elle décède 3 jours avant son 12e anniversaire.

[228] Ndlr : C’est la date du mariage religieux de Joseph et Marie (cf. p. 33) ainsi que celle des parents de Marie (Jean-Pierre et Anne-Louise Bonnafont) (cf. p. 31) (une autre source indique ce mariage le 8 mai 1848).

[229] Ndlr : Général Ernest Vieillard (27 décembre 1844 - 8 décembre 1915), polytechnicien, Commandeur de l'Ordre du Soleil Levant (ordre créé le 10/4/1875 par l'empereur Meiji pour récompenser les mérites exceptionnels civils et militaires. Cet Ordre fut attribué aux officiers français ayant effectué des missions d'aide militaire au Japon). Réf. [13].

[230] Ndlr : Mari de Thérèse Bonnafont. Voir note 145 p 67.

[231] Ndlr : Aimable Gilles Troude, contre-amiral (1762-1824) surnommé L'Horace Français pour avoir commandé le Formidable et combattu avec succès 3 vaisseau Anglais le 13/7/1801.
Le Croiseur « Troude » : construit à Bordeaux en 1886. Armé en 1888. Rayé des effectifs en 1908. Réf. [14].

[232] Ndlr : peut-être la société anglaise Elwell-Parker.

[233] Ndlr : certainement Jean Baptiste Louis Félix Marc Berrier-Fontaine (X 1858 ; 1838-????), même promotion à Polytechnique que Joseph Barba et également du Génie Maritime.

[234] Ndlr : croiseur armé en 1889, de la classe Troude. Réf. [2].

[235] Ndlr : Cosmao était un contre-amiral (1761-1825) héros de la reprise du Diamant (Rocher du Diamant au large de la Martinique)  et de l'épisode du lendemain de Trafalgar. Le Croiseur « Cosmao» : construit à Bordeaux en 1887. Armé en 1889. Rayé des effectifs en 1922. Les 3 croiseurs « Troude », « Cosmao » et « Lalande » sont les 3 croiseurs de la classe Troude. Réf. [14].

[236] Ndlr : il s’agit de Eugénie Petiet (8/9/1811-23/4/1891), sœur de Anne-Louise Petiet qui est la mère de Marie Bonnafont (épouse de Joseph).

[237] Ndlr : la généalogie Petiet indique qu’il est né le 22 janvier 1805, Réf. [23], ainsi que sa biographie. Réf. [47].

[238] Ndlr : voir note 71

[239] Ndlr : Le calomel ou chlorure mercureux est un minéral , utilisé comme purgatif et vermifuge. Réf. [2].

[240] Ndlr : à l’âge de 45 ans.

[241] Ndlr : voir note 65

[242] Ndlr : Maurice Vachon (1863-1901), fils de Henri Vachon et de Cécile Alquié.

[243] Ndlr : voir note 143

[244] Ndlr : Adolphe Alquié, ingénieur de l’École centrale, tombé gravement malade en service en Algérie, tut soigné par le jeune médecin militaire Jean-Pierre Bonnafont.

[245] Ndlr : d’après la généalogie Petiet (Réf. [23]), Adolphe Alquié épouse Célénie Aubineau en 1838. Célénie se serait donc remariée plus tard ? Elle ne serait donc pas réellement la tante de Marie.

[246] Ndlr : soit il s’agit de son petit-fils, soit Adolphe Alquié est le frère de Cécile Alquié, tous deux alors enfants d’Adolphe Alquié (note ci-dessus).

[247] Ndlr : propriété de Henri Vachon, à 25 km au nord de Villefranche-sur-Saône, sur la commune de Romanèche-Thorins (Saône-et-Loire). Réf. [23].

[248] Ndlr : à Paris 9e, donnant dans la rue Saint-Georges, tout proche de l’église Notre-Dame de Lorette.

[249] Ndlr : Thélis Vachon (1893-1918), fils de Jeanne et Maurice, aviateur pendant la Première Guerre mondiale, où, blessé en combat aérien, il réussit à ramener son avion et son observateur, avant de décéder. Il inspirera Joseph Kessel pour son roman « L’équipage ».

[250] Ndlr : 13 km au nord de Tours.

[251] Ndlr : voir p. 117.

[252] Ndlr : Marie Josèphe Cécile Vachon, dite Josette, fille de Jeanne et Maurice Vachon, née le 31/1/1895 à Dole.

[253] Ndlr : Fil de platine qui, rendu incandescent, sert à cautériser. Réf. [16].

[254] Ndlr : Composé généralement obtenu par la réaction de l’iode sur l’alcool en présence du carbonate de potasse et qui s’emploie comme antiseptique. L’iodoforme est toxique et d’une odeur forte. Réf. [16].

[255] Ndlr : maintenant avenue Mozart (depuis 1911), dans le 16e.

[256] Ndlr : cousine issue de germains de Marie, décédée le 9/3/1895 à 37 ans. Voir note 155.. Réf. [23].

[257] Ndlr : son père, le baron Victor Augustin Petiet décède le 5/4/1899 à 79 ans. Réf. [23].

[258] Ndlr : le château fut acheté par Auguste Petiet, père de Victor Petiet et grand-père d’Eugénie Petiet. Réf. [23].

[259] Ndlr : aujourd’hui rue du moulin à Antony. La maison des beaux-parents de Joseph était sans doute rue de l’abreuvoir. Aujourd’hui, à cet endroit, la Bièvre est couverte ou enterrée (et ce jusqu’à Paris).

[260] Ndlr : Brin, Benedetto (1833-1898), ingénieur naval fut ministre de la Marine pendant 11 ans (1876-1878,  1884-1891, 1896-1898). Les vaisseaux de guerre énormes "Italia" et "Dandolo" étaient son travail, bien qu'il ait après abandonné leur type en faveur de navires plus petits et plus rapides. Réf. [2].

[261] Ndlr : nom d’une des plus illustres familles de Venise.

[262] Ndlr : à 140 km à l’ouest de New York, et à 110 km au nord de Philadelphie.

[263] Ndlr : Boghos Nubar Pasha (1825 - 1899), d’origine arménienne (né à Smyrne) fut premier ministre à trois reprises de l’Égypte (1878-1879, 1884-1888, 1894-1895). Il parlait très bien français car éduqué à Vevey puis à Toulouse chez les jésuites. Son fils (même nom) fut célèbre en défendant la cause arménienne. Réf. [2].

[264] Iwao Ōyama (1842-1916) est un maréchal et homme d'État japonais. Il participa à la guerre de l'ère Boshin (1868) aux côtés des partisans de la restauration impériale. Il continua d'étudier la stratégie militaire en France, puis, à son retour au Japon, fut nommé ministre de la Guerre en 1880 et chef d'état-major en 1882. Il participa à la guerre sino-japonaise de 1894-1895 en sortant vainqueur de la bataille de Port-Arthur ce qui lui valu le titre de maréchal d'armée. Et c'est à ce titre qu'il dirigea la guerre victorieuse contre l'armée russe lors du conflit russo-japonais de 1904-1905. A la fin du conflit russo-japonais, il fut élevé à la dignité de Conseiller privé de l'empereur Meiji en 1914. Plusieurs fois anobli, il fut consacré prince en 1907. Réf. [2].

[265] Sukenori Kabayama (1837-1922), général de l’armée impérial japonaise et amiral de la Marine impériale. Il fut plus tard le premier gouverneur général japonais de Taiwan. Il visita les États-Unis et l’Europe du 25 Septembre 1887 au 19 Octobre 1888. Réf. [2].

[266] Ndlr : Berquin, Léon (X 1862 ; 1839-??). Réf. [1].

 

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