Départ de Mazarin à Brühl
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Le cardinal de Mazarin,
cédant à l'orage, avait été contraint d'aller au
Havre ouvrir lui-même aux princes les portes de la citadelle où
il les avait fait enfermer, et à prendre le chemin de l'exil en se réfugiant
à Brühl.
La rentrée triomphante des princes à Paris marque l'apogée
de la Fronde. Si ses chefs avaient eu une orien¬tation dans leurs idées,
le programme de la convocation des états généraux réclamé
par la noblesse eût été repris, et le système nouveau
du pouvoir absolu exercé sous contrôle par des ministres eût
été définitivement écarté. Système
funeste qui nous a conduits aux commotions de la grande révolution française
et à ses suites de corruption et de décadence. Des réformes
graduelles et nécessaires eussent été pacifiquement accomplies
. L'inébranlable attachement voué par la reine Anne d'Autriche
à son ministre favori fut le dissolvant de la coalition des partis qui
venait d'expulser Mazarin. Cette princesse, cependant, avait ouvertement renié
le ministre fugitif, elle avait donné une déclaration enregistrée
au Parlement par laquelle tout étranger devait être désormais
exclu du Conseil. Ces apparences étaient trompeuses, la Reine dissimulait,
elle ne cessa pas un instant, au moyen d'une active correspondance, de consulter
son favori pour la direction des affaires, aussi celui-ci ne désespéra-t-il
pas de son retour. Le prince de Condé, chef de la Fronde triomphante
était naturellement devenu le chef du gouvernement ; aussi s'efforcer
d'agir sur l'esprit de ce héros des batailles, qui n'était en
politique qu'un capricieux enfant et lui faire commettre des fautes, fut-il
dès lors l'objectif poursuivi par Mazarin du fond de son exil. Il y réussit
au gré de ses désirs. La première faute qu'il lui fit commettre,
au moyen d'adroits intermédiaires, fut de lui inspirer la crainte de
l'amoindrissement de son autorité si les états généraux
étaient convoqués. Ce prince fut ainsi amené à se
mettre en travers de cette convocation, faisant alors le jeu du cardinal et
celui de la Reine. Le cardinal ne voulait pas des États généraux
parce qu'il avait la certitude que cette assemblée rendrait impossible
la restauration de son pouvoir ; par le même motif, la Reine n'en voulait
pas davantage.
Le prince de Condé, qui comptait gouverner sans contrôle sous le
nom de cette princesse, trouva facilement un terrain d'entente avec elle sur
la base de la non convocation des États généraux ; seulement,
la Reine le rendait dupe de cette entente simulée en continuant à
demander secrètement à Brühl ses inspirations ordinaires.
La seconde faute dans laquelle le cardinal sut induire le prince de Condé,
fut de provoquer la rupture du mariage arrêté de son frère,
le prince de Conti, avec mademoiselle de Chevreuse. Il fut suffisant de lui
inspirer l'appréhension de l'influence que retirerait de cette alliance
le coadjuteur de Paris, pour lequel ce prince avait une antipathie profonde.
Une raison d'intérêts peu avouable poussait, en outre, le prince
de Condé à souhaiter que son frère ne se mariât pas,
afin que demeurant prince ecclésiastique, ainsi qu'il l'était
depuis son enfance, il se contentât d'aspirer au cardinalat qui lui était
assuré. Comme appartenant à l'église, le prince de Conti
était pourvu des plus riches bénéfices ; en se mariant
il fallait qu'il s'en démît : alors il entrerait en partage dans
les biens de sa maison que le prince de Condé possédait en entier.
Comme le prince de Conti était fort épris, ce ne fut qu'au moyen
de ses mordantes railleries sur la liaison trop intime du coadjuteur avec Mademoiselle
de Chevreuse que le prince de Condé parvint à dégoûter
son frère d'une union dont la célébration allait s'accomplir.
Cette maladroite rupture amena la ruine de la situation que le prince de Condé
venait d'acquérir ; il n'avait pas compris qu'il ne pouvait s'appuyer
que [sur] la cohésion des diverses fractions de la Fronde ; en les désagrégeant
lui même, il ouvrait une brèche par laquelle devait passer Mazarin.
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