Les échanges avec le baron de Penacors
<-- Vers 5 - Départ de Mazarin à Brühl |
A ce moment, qui coïncide
avec celui de la déclaration de la majorité du Roi, le 7 septembre
1651, entre en scène le baron de Penacors. Le violent ressentiment du
coadjuteur contre le prince de Condé à l'occasion de la rupture
du mariage de Mademoiselle de Chevreuse pouvait ouvrir la voie par un rapprochement
du fougueux prélat avec le cardinal Mazarin. La réussite était
certainement difficile, mais son succès eût amené la pacification
générale. Cette entreprise tenta le baron de Penacors.
La situation nouvelle se dessinait ainsi : à la place des deux grands
partis qui divisaient la France, le parti royal et le parti de la Fronde, trois
partis étaient en présence, puisque la Fronde se trouvait partagée
en deux fractions dont l'une avait pour chef le prince de Condé et l'autre
le duc d'Orléans, chef nominal, dirigé par le coadjuteur, chef
effectif.
De toute évidence la victoire appartiendrait aux deux partis qui se coaliseraient
pour avoir raison du troisième. Le prince de Condé eût volontiers
accepté en principe l'alliance de l'un ou l'autre de ces partis; il fit
et il écouta des ouvertures, mais son caractère altier et cassant
amenait des ruptures avant toute conclusion ; il était guidé surtout
par des considérations de personnes, et le cardinal Mazarin et le coadjuteur
lui étant également antipathiques, il ne pouvait se résoudre
à s'allier à aucun d'eux. Quant au cardinal Mazarin, il eût
préféré s'entendre avec le prince de Condé, parce
que, connaissant son inexpérience des affaires, il eût été
pour ainsi dire assuré de reprendre son autorité de premier ministre.
Restait pour Mazarin la voie d'une entente avec le coadjuteur, mais cette alliance
était difficile à conclure parce qu'elle suscitait de part et
d'autre une égale méfiance, les deux rivaux courant au même
but. L'un ressaisir le pouvoir et l'autre s'en emparer.
Le baron de Penacors, ami du cardinal Mazarin et du coadjuteur, entreprit de
les rapprocher ; tous les deux se laissèrent persuader parce qu'ils comprirent
qu'ils y avaient pour le moment un égal intérêt, se réservant
in petto de se trahir plus tard. Le coadjuteur, persuadé que le cardinal
Mazarin placé dans la nécessité de ménager l’opinion
publique ne pourrait revenir brusquement de son exil, se consi¬dérait
comme certain du ministère à titre provisoire, avec l'espérance
que son adresse lui en assurerait la possession à titre définitif.
Le cardinal Mazarin entrevoyait clairement ce danger, mais il comptait sur son
habilité et sur l'inébranlable attachement de la Reine pour reprendre
à un moment donné, un poste que le coadjuteur serait forcé
de lui rendre. La correspondance échangée entre le cardinal Mazarin
et le baron de Penacors nous initie aux négociations qui furent entamées
; il en ressort que ce dernier, en voulant rapprocher les deux rivaux, n'admettait,
dans sa sincérité, aucune duplicité de leur part. La première
lettre que nous ayons rencontrée du cardinal au baron de Penacors est
datée de Brühl le 7 octobre 1651, mais de cette
lettre résulte la preuve qu'elle avait été précédée
de bien d'autres. Elle constate qu'à ce moment le cardinal était
extrêmement satisfait du coadjuteur et que les deux rivaux faisaient assaut
de promesses de dévouement, afin de mieux s'inspirer l'un à l'autre
une réciproque confiance .
La satisfaction éprouvée par le cardinal avait pour motif les
efforts que faisait alors le coadjuteur pour détacher le duc d’Orléans
de la cause du prince de Condé mais si le coadjuteur agissait de la sorte,
son but était bien moins de plaire au cardinal que de satisfaire sa propre
rancune et celle de la duchesse de Chevreuse qui ne pardonnait pas à
ce prince d'avoir rompu le mariage de sa fille avec le prince de Conti. Le cardinal
avait exprimé le désir de confier de vive voix avec le baron de
Penacors ; il le croyait en route pour venir le rejoindre, tandis que celui-ci,
par une cause que nous ignorons n'avait pas encore quitté Paris. Une
lettre du cardinal, datée du 23 novembre témoigne de son impatience
et de l'importance qu'il attachait à cette entrevue, il stimule Penacors
par des promesses et le charge d'assurer de ses services deux amis qu'il tenait
à ménager MM. de Noirmoutier et de Bussy .
Le cardinal désirait qu'aucun retard ne fût apporté à
l'entrevue souhaitée, voulant qu'elle précédât l'exécution
d'une surprise que depuis quelque temps il ménageait en secret. Il s'était
décidé à prendre un parti plein d'audace. Celui de rentrer
en France. Il avait avec lui une petite armée sous les ordres du maréchal
d'Hocquincourt. Les soldats du maréchal venaient de culbuter, en les
plaisantant, deux conseillers au Parlement venus gravement de Paris signifier
au cardinal un arrêt qui mettait sa tête à prix. L'un de
ces conseillers avait pu se sauver ; l'autre, Bitaut, avait été
fait prisonnier. Le baron de Penacors rejoignit enfin le cardinal, et l'un et
l'autre purent s'entretenir. Malheureusement il ne nous est rien resté
des conversations, qui n'ont pas laissé de traces, tandis que leurs lettres
eussent bien mieux fait notre affaire. Ils se séparèrent promptement,
car à Paris surtout le baron de Penacors pouvait se rendre utile, et
la correspondance reprit son cours par une
lettre du 16 janvier 1652, dans laquelle Penacors engageait le cardinal
à rendre la liberté au conseiller Bitaut. Le Parlement était
exaspéré de l'arrestation de son mandataire ; or il y avait un
intérêt majeur à ménager ce corps. M. de Penacors,
dans cette même lettre, confirmait au cardinal que le coadjuteur persistait
dans sa résolution de le servir. Entre autres nouvelles, il donnait celle
d'une levée de troupes faite par le duc d'Orléans . Le 17 janvier,
M. de Penacors écrit de nouveau au cardinal que le coadjuteur - qu'il
continue à désigner par cette périphrase « celui
que vous savez » - l'a verbalement assuré de tout son zèle.
Comme dans la plupart des lettres de Penacors, un conseil est donné. Dans celle-ci, le conseil
consiste dans 1'invitation au cardinal d'écrire à chacun des évêques,
réunis à Paris pour l'assemblée du clergé de France,
afin de s'assurer de leur concours. Peu de jours après, le
22 janvier, M. de Penacors avait la satisfaction d'apprendre à son
illustre correspondant que les promesses du coadjuteur n'avaient pas été
de vaines paroles, puisqu'il avait détourné le duc d’Orléans
de céder aux instances du duc de Nemours pour lui faire signer un traité
qui, s'il eût été conclu, eût rendu la situation de
Mazarin absolument désespérée. Cette heureuse nouvelle
avait sa contrepartie : l'un des ministres Chavigny passait au prince de Condé
; cette défection s'était manifestée par le refus d'obéir
aux ordres du Roi .
La résistance du coadjuteur aux ouvertures faites au nom du prince de
Condé était du meilleur augure ; néanmoins, l'on pouvait
appréhender que des démarches persévérantes ne parvinssent
à changer ses dispositions. Effectivement, le prince de Condé,
surmontant son antipathie, renouvela ses tentatives et alla même, par
l'intermédiaire de M. de Frontrailles, jusques à offrir carte
blanche au coadjuteur, s'engageant à n'agir désormais qu'à
sa satisfaction et à celle du duc d'Orléans. Cette avance était
périlleuse, Frontrailles et ses amis avaient l'oreille du prélat,
et leur impatience ne demandait qu'à renouveler contre le cardinal Mazarin
leurs entreprises d'autrefois contre le cardinal de Richelieu. Un gage même
était donné par le fait du récent départ du duc
de Nemours allant se mettre à la tête des vieilles troupes du prince
de Condé, afin de marcher de concert avec l'armée espagnole. Il
fallait que la rancune du coadjuteur à l'encontre du prince de Condé
fût bien vivace, pour que la perspective de la libre carrière ouverte
à son ambition ne le détachât pas des préliminaires
d'un accord avec le cardinal Mazarin. Avec le prince de Condé le coadjuteur
ne pouvait douter de la possession du ministère, tandis qu'avec le cardinal
Mazarin cette possession, s'il l'obtenait, risquait fort d'être précaire.
L'alliance espagnole, d'après les idées de l'époque, ne
pouvait être un motif suffisant pour l'arrêter ; tous les partis
poursuivaient sans scrupule cette alliance en se couvrant du prétexte
de vouloir travailler à la paix . Deux hypothèses se présentent
pour expliquer la conduite adoptée par le cardinal de Retz : ou l'habileté
fit défaut à son ambition, ou l'honneur, ce qu'il est préférable
de croire, l'emporta sur ses intérêts. Dans cette seconde hypothèse,
il dut considérer que ses promesses à M. de Penacors constituaient
des engagements que la bonne foi ne pouvait lui permettre de rompre. Il s'en
expliqua avec une telle franchise, tout au moins apparente, que M. de Penacors
ravi s'empressa, le 28 janvier, d'informer le cardinal Mazarin que, pourvu que
la Cour fût disposée à accorder son assistance au coadjuteur,
celui-ci s'engageait à rester inébranlable dans le service du
Roi. Cette condition de l'assistance de la Cour, c'est-à-dire du concours
simultané de la Reine et du cardinal, est à retenir pour la suite
de notre récit.
Dans cette même lettre, M. de Penacors
faisait une autre communication importante : Le duc de Lorraine, qui s'était
posé jusques alors en irréconciliable ennemi, pesait sur le duc
d'Orléans, son beau-frère, afin de l'empêcher de se lier
par aucun engagement avec le prince de Condé, et il lui promettait de
le soutenir . Les amis du prince de Condé, informés que la résistance
du duc d'Orléans à se joindre à leur parti avait pour cause
les conseils du coadjuteur, et n'ignorant pas sa toute puissance sur l'esprit
de ce prince, revinrent à la rescousse, mais avec si peu de succès
que, dans une lettre du 31 janvier, M. de Penacors confirme au cardinal Mazarin
l'inébranlable résolution du coadjuteur de ne pas faillir au service
du Roi. Le meilleur moyen, d'après le baron de Penacors, était
qu'il ne dérogeât pas à ses habitudes de la jeter à
pleines mains, ses prodigalités n'épargnaient pas son propre bien,
mais il fallait lui venir en aide et lui faire savoir que pour ces distributions
au peuple de Paris il pouvait s'entendre avec le prévôt des marchands.
Pour gagner la bourgeoisie, M. de Penacors indiquait un moyen infaillible :
depuis le commencement des troubles de la Fronde, les rentes de l’hôtel
de ville étant mal payées, il fallait en garantir l'exact paiement.
M. de Penacors passait des conseils généraux aux conseils particuliers.
M. de Chateauneuf, tout dévoué au duc d'Orléans, était
antipathique au prince de Condé, il était donc opportun que le
cardinal Mazarin se mît en bons termes avec lui. Madame de Rhodes, fort
influente, avait un candidat pour l'évêché de Poitiers ;
il fallait que cet évêché fût mis à sa disposition.
M. de Laigues demandait une pension, il serait bon d'avoir égard à
sa demande ; M. de Bourdeille tenait une conduite équivoque, il serait
juste de le priver de sa charge et d'en gratifier son frère, M. de Montrésor
.
Les opérations militaires occupent leur place dans cette
importante lettre du 31 janvier ; le départ du duc de Nemours pour
aller prendre le commandement des troupes étrangères au service
des princes s'est effectué. Ces troupes vont franchir la frontière
et pénétrer en France en se dirigeant entre Saint-Quentin et La
Fère, mais, était-il observé, il était possible
de les arrêter dans leur marche en postant des troupes à Chauny
et à Meulan . Les lettres de Monsieur de Penacors se suivent de près
; dès le lendemain, 1er février il mande au cardinal que le coadjuteur
reste ferme dans sa résistance aux avances qui se renouvellent pour l'attirer
dans le parti du prince de Condé, bien que le duc d'Orléans, par
une initiative singulière, fût intervenu lui-même pour tacher
de convaincre le pilote qui, d'ordinaire, dirigeait sa barque vacillante. Le
correspondant du cardinal considérait cette persévérance
comme une preuve décisive de sincérité.
Revenant à Monsieur de Chateauneuf dont il avait parlé dans sa
lettre précédente, Monsieur de Penacors conseille au cardinal
de retirer son appui à ceux qui veulent lui faire perdre sa place de
garde de sceaux, parce qu'en l'y maintenant, il s'en ferait un solide allié.
Monsieur de Penacors n'entre pas dans d'autres détails parce qu'il pense
que l'abbé Fouquet , autre correspondant du cardinal chargé spécialement
de sa police secrète les lui aura donnés, mais il se plaint du
silence de son éminence qui ne lui a pas écrit depuis longtemps;
Cependant, il réclame des instructions indispensables pour lui indiquer
de quelle façon il doit agir tant à l'égard du coadjuteur
que du duc d'Angoulême . Dès que les réponses du cardinal
lui seront parvenues, il partira de Paris pour aller le retrouver une seconde
fois . Pendant sa marche militaire de la frontière à Poitiers,
où il rejoignit la Cour, le cardinal Mazarin n'avait pas eu la possibilité
d'écrire à Monsieur de Penacors. Le 2 février seulement,
il put prendre la plume pour lui dire que l'accablement des affaires ne lui
permet pas de lui répondre longuement, mais qu'il est très reconnaissant
de son dévouement et des assurances qu'il lui transmet de l'affection
du coadjuteur. Il lui promet de lui écrire prochainement avec plus de
détails, en attendant il s'en remet à lui et à la princesse
Palatine pour agir au mieux de ses intérêts.
La princesse Palatine, qui jouait un rôle considérable à
la Cour, jouissait d'une grande réputation de franchise, de probité
et de haute capacité. Sur celle-ci, le cardinal de Retz s'est exprimé
dans ses mémoires dans les termes suivants : « Je ne crois pas
que la Reine d'Angleterre ait eu plus de capacité pour conduire un état
». Monsieur de Penacors se trouvait donc associé par la confiance
du cardinal à une illustre personnalité. Dans sa lettre, le cardinal
a renoncé à toute insistance auprès de Monsieur de Penacors
pour qu'il se rende auprès de lui ; il s'en remet à sa seule appréciation
pour l'opportunité de ce voyage, mais l'on s'aperçoit aisément
qu'il préfère que son négociateur reste à Paris
d'où il pourra ainsi qu'il le lui recommande, l'informer de tout ce qui
se passera d'important. Le cardinal termine sa
lettre en chargeant Monsieur de Penacors d'assurer le coadjuteur qu'il n'a
pas de serviteur plus assuré que lui .
Le 15 février, le cardinal écrivit de nouveau à Monsieur
de Penacors, en réponse à une lettre du 7 du même mois ,
qu'il n'a pas été surpris de la fermeté du coadjuteur à
résister à toutes les avances, et qu'il lui rend complète
justice, bien que beaucoup de gens aient prétendu lui prêter des
sentiments contraires. Un passage important est celui dans lequel le cardinal
déclare qu'il n'aurait pas trouvé d'inconvénients à
ce que Monsieur de Chateauneuf n'eut pas été expulsé du
conseil, mais qu'il était trop tard, cette mesure ayant été
résolue et exécutée avant son retour. Entre autres conseils,
Monsieur de Penacors avait donné au cardinal celui d'acheter la charge
de colonel des suisses. Cette charge militaire n'eut pas été la
première dont il eût été revêtu, puisqu'il
avait déjà des gouvernements et un régiment sous son nom,
mais il s'en excuse par raison de pénurie d'argent. Le cardinal faisait
savoir qu'il envoyait à la duchesse de Chevreuse, désireuse d'aller
loin de Paris cacher ses déceptions, les passeports sollicités
pour elle par Monsieur de Penacors et renouvelait à celui-ci l'expression
de ses sentiments d'estime et d'amitié .
Entre cette lettre et la lettre suivante, dont nous ferons
ressortir les passages les plus importants, une dignité vivement recherchée
vint hausser la personnalité du coadjuteur de Paris. Le 19 février
le souverain pontife lui conférait la pourpre. Cette promotion, faite
particulièrement en haine du cardinal Mazarin, n'était par conséquent
pas de nature à plaire à ce dernier, puisque, par l'égalité
du rang elle rendait le coadjuteur un rival des plus dangereux. Vainement Mazarin
avait fait à Rome toutes les démarches possible pour y mettre
obstacle, mettant en avant diverses accusations contre le coadjuteur, entre
autres celle de Jansénisme ; le coadjuteur l'avait emporté par
les adroites démarches de l'abbé Charrier, son agent, qui avait
fait redouter au pape le retour en France et au pouvoir du cardinal Mazarin
.
Dans la lettre du cardinal Mazarin du 14
avril en réponse à deux lettres de Monsieur de Penacors du
24 mars et du 2 avril, il est à remarquer toutefois qu'il ne témoigne
ni mécontentement, ni déception, de l'insigne faveur obtenue par
le coadjuteur et qu'il persévère dans l'entente ménagée
avec celui qui ne s'appellera plus désormais que le cardinal de Retz.
Appuyons en passant sur le regret de n'avoir pas trouvé les deux lettres
auxquelles répondait le cardinal Mazarin ; elles devaient être
particulièrement intéressantes puisqu'il en avait donné
lecture à la Reine .
Le cardinal Mazarin voulait se concerter avec le baron de Penacors pour parer
à une grave éventualité. Le prince de Condé, las
de guerroyer dans la Guyenne, avec des troupes composées de levées
jeunes et inexpérimentées, contre les troupes royales aguerries,
commandées par le comte d'Harcourt qui lui avait infligé des défaites,
avait rejoint auprès de Montargis après un aventureux voyage,
ses vieilles troupes et les troupes étrangères amenées
en France par les ducs de Beaufort et de Nemours. A leur tête, il avait
livré, le 6 avril, aux maréchaux de Turenne et d'Hocquincourt
le célèbre combat de Bléneau où il avait failli
enlever la personne du jeune roi. A la suite de ce combat, les deux armées
manœuvrant pour s'intercepter l'une à l'autre le chemin de Paris,
périlleux échec pour la cause royale si le prince de Condé
y arrivait le premier. Afin de parer au danger qui en fut résulté
le cardinal Mazarin ne marchandait plus au cardinal de Retz une étroite
alliance, l'influence du coadjuteur dans la capitale étant un rempart
puissant à opposer au prince rebelle.
Cet intérêt du moment, dominant toutes les autres considérations,
inspire au cardinal Mazarin de chaleureux éloges du rival dont il devenait
nécessaire qu'il se fit un allié, alors plus que jamais, il déclare
ne pas mettre en doute la sincérité de l'affection témoignée
par la correspondance du coadjuteur avec la princesse Palatine. Le cardinal
de Retz certifiait à cette princesse que si le prince de Condé
se hasardait à entrer dans Paris, il se faisait fort, avec l'assistance
de ses amis, de l'obliger à en sortir sur-le-champ et non sans qu'il
courût quelque danger pour sa vie. En retour de ces chaleureuses affirmations,
le cardinal Mazarin, par l'intermédiaire de Monsieur de Penacors, assurait
le cardinal de Retz de ses services en toutes rencontres, afin, disait-il, de
mieux mériter son amitié. Le cardinal Mazarin se gardait bien
toutefois de s'en remettre les yeux fermés à des protestations
qu'il suspectait ; aussi, pour rendre plus impossible le séjour à
Paris du prince de Condé, il recommandait à Monsieur de Penacors
de répandre parmi le peuple la conviction, basée du reste sur
la réalité, que ce prince était l'unique cause du fléau
de la guerre porté aux portes de la capitale, moyen puissant d'achever
de le dépopulariser . A l'opposé du cardinal Mazarin, le cardinal
de Retz paraissait sans défiance, ses témoignages d'empressement
ne variaient point, mais au fond sa duplicité restait la même.
Son objectif était bien moins d'obtenir une prompte solution des difficultés
pendantes, que se gagner le temps nécessaire pour mener à bien
la réussite de son projet, caressé depuis l'origine des troubles,
de réduire à néant l'autorité de la Reine et de
faire du Duc d'Orléans, en lui assujettissant le prince de Condé,
le chef du gouvernement ; sous ce chef incapable et nominal, il deviendrait
lui même le ministre omnipotent. Toute sa politique se résumait
dans les visées de son ambition personnelle.
Afin d'arriver à son but, le cardinal de Retz imagine de constituer ce
qu'il appelle dans ses mémoires un tiers parti. Il expose au duc d'Orléans,
dans une sorte de consultation qu'il lui remet par écrit, la nécessité
de choisir entre quatre partis : Le premier, de s'accommoder avec la Reine c'est
à dire avec le cardinal Mazarin; le second, de s’accommoder avec
le prince de Condé ; le troisième, de former un tiers parti ;
le quatrième, de demeurer dans l'état présent consistant
à se ménager de tous les cotés.
L'auteur de la consultation démontre, à son point de vue, que
ces divers partis sont mauvais, sauf le troisième, celui qu'il dénomme
le tiers parti, dont il fait ressortir les avantages. Celui-ci présente
qu'il comporte avec le Parlement de Paris, avec les divers Parlements du royaume,
avec les grandes villes, lui donnerait une grande force, sans obliger le duc
d'Orléans à renoncer au rôle de médiateur ; il lui
permettrait de profiter de toutes les conjonctures que pourrait offrir l'imprévu,
enfin ce parti aurait le relief de montrer un fils de France au gouvernail.
Pour faire prévaloir son avis, le cardinal de Retz se déclarait
prêt à l'appuyer du concours dans Paris de trois cents officiers
à sa dévotion et de deux mille chevaux sous les ordres du vicomte
de Lameth, de Marseil, de Selis et de Toulouse .
Entre les trois premiers partis, le duc d'Orléans, suivant la pente de
son caractère, jugea plus sûr de n'en prendre aucun, et, comme
par le passé, la marche des choses continua à errer à l'aventure,
c'est à dire que le quatrième parti prévalut dans son esprit.
A partir du 14 avril, une longue interruption se produit dans la correspondance
du cardinal Mazarin et du baron de Penacors par ce motif que le cardinal avait
rejoint la Cour, et que les deux correspondants étaient alors réunis.
Leurs relations épistolaires ne reprirent qu'au 14 septembre suivant.
Cet intervalle est rempli de grands évènements dont il est nécessaire
que nous donnions un rapide aperçu.
<-- Vers 5 - Départ de Mazarin à Brühl |