Généalogie VEILHAN

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Famille Veilhan - Ancêtres - René Veilhan (1897-1920)

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- Son décès en 1920 -

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Notes de Pol Veilhan, son frère, sur la vie de ses parents André Veilhan et Gabrielle Barba :

"Le 12 janvier, mon frère René mourait à Constantinople, atteint par une forme aiguë de grippe espagnole. Il fut enlevé en quelques jours, assisté dans ses derniers moments par l'abbé Mussoli, sujet turc d'origine grecque, qui pris plus tard le nom d’abbé Noël et demeura toujours un ami de la famille."

Lettre de l'abbé Noel

Constantinople, le 2 mai 1920

Madame,

je suis l'ami de votre pauvre René et en même temps l'aumônier de l'hôpital Franchet d’Esperey c'est tout vous dire ! La Supérieure me communique la lettre que vous lui adressez pour demander des renseignements sur la mort de votre cher fils. Je me fais un devoir de vous écrire aussitôt, étant à même de vous renseigner, car c'est moi qui ai assisté votre René et c'est moi qui, en votre nom, ai déposé sur son front glacé par la mort le baiser de paix et d’adieu ! ! !
Quelqu'un m'avait fourni, il y a plus de deux mois, l'adresse de M. Veilhan, mais ma lettre n'a pas dû lui parvenir, la supérieure me donne cette fois votre propre adresse.
J'ai connu votre fils, Madame, alors qu'il était à la tête du bureau commercial ; jeune et distingué, il était aimé de tous.
Mais disposant de beaucoup de revenus, il gaspillait son argent et aussi sa santé. Après sa démobilisation, il s'occupait d'affaires en général. Les amis l'ont perdu. Du reste, loin de sa famille, seul, il se laissait facilement conduire par les camarades et toutes les fois que j'avais voulu lui faire des remarques, il me disait qu'il fallait bien passer son temps.

Aux fêtes de Noël, il se fatigua encore davantage à veiller. C'est sans doute dans une de ces veilles, en plein hiver, qu'il contracta un gros refroidissement, il garda le lit chez lui, à l'insu de beaucoup. Je ne puis dire s'il a été bien soigné au début, car je n'ai appris sa maladie que le 11 janvier au soir, un dimanche, je me trouvais dans ma chambre, à l'hôpital, quand l'infirmier vint m'avertir qu'un officier français venait d'arriver dans un état désespéré. Je courus aussitôt le voir et quelle n'a pas été ma stupéfaction de reconnaître René en délire. C'était la grippe. Les sœurs arrivèrent à l'instant et lui prodiguèrent les meilleurs soins. Enveloppements, ventouses, injections, rien ne fut oublié. Le docteur cependant interrogé par moi, branla la tête en disant, il arrive trop tard, tout sera inutile... Alors le cœur brisé et sentant moi-même que la mort approchait, je me suis mis en devoir de le préparer au moment terrible. Lorsque je fus à peu près seul avec lui, j'essayais de me faire reconnaître. Du reste, il avait des moments de grande lucidité et les soins qu'on venait de lui faire l'avaient un peu ranimé. Il ouvrit les yeux et les fixa sur moi tout intrigué.

« - René, mon ami, me reconnaissez-vous ? J'ai su que vous étiez fatigué et je suis venu vous voir. »

« - oui je vous reconnais ; monsieur l’abbé restez à côté de moi » Il me prend la main « car je ne puis respirer et puis, je ne sais ce qu'ont mes hommes, ils n'obéissent pas, nous sommes dans la tranchée et ils ne veulent pas mettre baïonnette au canon. »

« - oh ! Ça c'est facile, je m'en vais les obliger à vous obéir, vos soldats ! Vous êtes bien gentil. En effet, les voilà prêts ; baïonnette au canon ! ! Allons ! Allons ! À l'assaut feu ! Quelle fusillade, mon ami, écoutez ! Reposez-vous maintenant, l'attaque est finie, j'envoie les hommes aussi se coucher. »
René, reposa sa tête sur l'oreiller et s'assoupit ; il avait comme vous le voyez des moments de lucidité et des moments de délire. Une heure après, j'allais souper quelques instants, puis je reprenais ma place à ses côtés ; il ouvre de nouveau les yeux.

« - ah ! 10 blessures et 6 médailles sur le champ de bataille, mais, monsieur l'abbé je déteste qu'on me parle religion, pays, ou armée. C'est un sale métier que le métier militaire. »

Ayant vécu toute la guerre avec les prisonniers de guerre en Turquie, je me suis habitué à leur caractère, aussi je répondis aussitôt.

« - moi qui vous aime tant ! Puisque vous détestez qu'on vous parle religion, vous devez alors me détester aussi comme prêtre... Je m'en vais donc. »

« - non non restez avec moi, je vous aime bien, je vous veux à mes côtés. » Il me prend la main et me tire à lui. « Je ne veux pas dire que je déteste la religion, j'ai eu une bonne éducation de ma mère et jusqu'à maintenant quand des camarades parlent mal de la religion je les attaque et je défends de tout mon cœur ma religion ; seulement, voyez-vous, quand on vit avec des militaires, on change ses habitudes, quel métier, j'en ai assez, une fois remis, je quitte tout et je rentre chez moi. »

Là-dessus, il me parle de vous, de tous ses parents, mais surtout à chaque instant, il disait ma mère. Je passais avec lui la nuit. Il fut plutôt calme, les sœurs surveillaient les enveloppements ; l'estomac marchait bien ; il demandait toujours du lait. Je lui dis :

« - voyez-vous René, vous arrivez juste pendant les fêtes de Noël, les sœurs m'ont promis de prier pour votre guérison. »

« - oui, oui, priez pour moi, monsieur l'aumônier, pour que je rentre chez ma mère dans quinze jours. »

« - comptez sur moi, mon ami, mais alors vous aussi vous devez prier avec nous, n'est-ce pas ? Et puis je vous donnerai une médaille de la Sainte Vierge, et de Jeanne d'Arc, la bonne Vierge vous guérira vite et vous rendra à votre mère. »

« - mais, j'ai toujours ma médaille. » Ce disant, il découvre sa chemise et me montre la médaille. « Je ne l'ai jamais quittée, je suis croyant moi. »

« - alors, mon ami, aux croyants, on porte le bon Dieu, vous avez déjà en vous la bonne vierge ; demain, je vous donnerai aussi le bon Dieu, lui mieux que tout autre vous guérira... »

« - vous croyez ? »

« - mais oui, mon ami. »

« - alors c'est bien, mais pas maintenant, il est tard, vous êtes fatigué à me veiller, allez vous reposer un peu, demain nous verrons, voyez-vous ça m'embête de me confesser tout de suite. »

« - oh, René, vous n’avez pas à vous gêner, je vous connais si bien que vous n’aurez pas même besoin d’ouvrir la bouche, je sais tout ce que vous faites. »

« - c'est bien, nous verrons, donnez-moi du lait, je vais dormir. »

Je lui donnais du lait, je fais renouveler les enveloppements, il s'assoupit, je lui tiens toujours la main, je sens en lui de longs tressaillements. Vers 4 heures du matin, il semble inquiet, le front brûle, la fièvre augmente, de nouveau le délire reprend ; il ouvre de grands yeux, se dresse sur le lit, nous le tenons de toute notre force ; il s'écrit :

« - il n'y a pas moyen de se faire obéir dans cet hôpital, appelez la supérieure, je voudrais la remercier des 500 000 Fr qu'elle m'a offerts, quelle charmante personne ; allons vite 500 soldats en armes pour saluer la supérieure. Présentez armes ! … ah ! Ces soldats, voyez-les, ils entrent ici par les fenêtres. » Il se fâche et crie.

« - calmez-vous René, je m'en vais fermer à clef les fenêtres. Bon voilà, les soldats entrent par la porte. »

De nouveau, il se calme, je le quitte à 5 heures pour aller dire la messe. Tous ensemble, nous prions Dieu de lui accorder la guérison, ou du moins la grâce de faire une bonne mort. La matinée fut la même, tantôt le délire, tantôt le calme, mais le docteur disait bien qu'il était arrivé trop tard à l'hôpital. Après-midi, je constate une aggravation, il fallait le préparer tout doucement.

« - mon ami, vous voyez, ça va déjà mieux. Nous avons prié tous pour vous, maintenant qu'il n’y a personne ici, profitons-en pour causer un peu, n'est-ce pas, vous n'avez qu'à me répondre doucement. »

« - je veux bien, je ne suis pas un bien méchant homme, ma mère m'a donné une bonne éducation, mais que voulez-vous. »

Là-dessus, doucement sans trop de fatigue, il se confesse d'une façon parfaite, en pleine lucidité d'esprit, j'étais satisfait, car en ouvrant ses grands yeux, il avait l'air plus satisfait encore que moi, il me sourit même en me disant merci et en me priant de ne pas le quitter. De nouveau et longtemps il me parle de vous tous, de son envie de vous voir...

« - ma pauvre mère, m’aime beaucoup et m’attend, mais je suis bien mal, je ne puis respirer, dites-moi, monsieur l’abbé, verrai-je encore ma mère ? Oh, comme je suis fatigué ! Tout jeune, c'est dommage, peut-être je vais mourir, car j'ai mal, comme j'ai mal. »

« -mon René, vous n'êtes pas si mal que ça, il faut toujours accepter la volonté de Dieu, le docteur vous trouve fatigué, voulez-vous aussi les remèdes du bon Dieu ? Je vous porterai la sainte communion et je vous donnerai le sacrement qui fait tant de bien aux malades ? »

« - bien, bien, mais ce serait mieux de communier à bord du bateau qui partira pour la France, nous avons à bord des aumôniers. »

Tout doucement, j'insiste et lui de me dire : « maintenant je me suis confessé, c'est tout, même si je dois mourir. Si vous voulez, je communierai demain matin et vous me donnerez aussi les sacrements. »
Il avait l'air tout disposé, mais énervé, je ne voulais pas le fatiguer, d'autant plus que le docteur dans la soirée disait qu'il pouvait résister encore un ou deux jours. Par ailleurs, habitué aux malades, je savais que trop d'insistance de ma part lui donnerait encore le délire. Je ne le quittais pas. Il me parlait de vous sans se lasser, malgré mes efforts pour le faire taire.
J'étais tranquille maintenant qu'il s'était confessé. Parfois, il avait les larmes aux yeux, en parlant qu'il allait peut-être mourir loin des siens.

« - si je meurs, qui pensera à moi ici ! Au moins, vous qui avez dit la messe pour moi ce matin, promettez-moi que si je meurs, vous prierez aussi pour moi et vous direz aussi des messes, je ne suis pas méchant, ne me quittez pas, donnez-moi du lait... J'aime bien mes parents, vous les embrasserez tous si je meurs, vous direz à ma mère que je l'aime bien, que je pense à elle, qu'elle a peut-être souffert pour moi ces derniers temps mais qu'elle me pardonne. Ah la guerre ! Elle m'a fait du mal, pour ça je déteste les militaires, je voudrais guérir et rentrer chez moi, je suis jeune encore ! Ah, cette maladie... Ma mère m'attend. Écrivez-lui, dites-lui que j'irai la voir, mais que pour le moment je suis malade... Que deviendrai-je, mon dieu, dois-je mourir ou vivre encore... Monsieur l'abbé, demain aussi priez pour moi. »

« - oui, oui, je dirai la messe pour vous, vous guérirez, vous irez à votre bonne mère. »

« - oh, ma bonne mère, je la reverrai qui sait ? Et si je meurs aussi, vous direz aussi des messes pour le pauvre René, n'est-ce pas monsieur l'abbé, beaucoup de messe ! Car j'étais bon enfant quand j'étais jeune... Mais la vie militaire... Les amis !... »

Il me faisait des réflexions qui m'attristaient et j'avais peine à retenir mes larmes, cent et mille fois il me parlait de vous et je le sentais plein d'angoisse de mourir seul, car il le voyait bien lui-même, son état était désespéré, malgré que parfois il semblait plein d'espoir. J'essayais encore de le faire administrer mais il insistait pour le lendemain et maintenant que le principal était fait je n'ai pas voulu trop l'ennuyer. Il parlait très bien à 9 heures du soir, se fâchait même car il demandait toujours du lait. « Monsieur l'abbé, dites aux infirmiers qu'ils me donnent beaucoup de lait pour la nuit, au moins 4 ou 5 bouteilles. »

Je lui fis mettre à ses côtés 4 bouteilles, ce qui le calma. Bref, son état indiquait qu'il avait encore toute sa force et qu'il allait lutter encore 1 ou 2 jours avec la mort.

Qui aurait prévu quelques minutes après la catastrophe ! En ce moment, on m'appelle en toute hâte au chevet d'un autre malade. Avant de quitter René, je lui dis : « mon ami, un malade m'appelle à lui, je m'en vais pour très peu de temps, je reviendrai aussitôt. »

« - oui, allez, maintenant, j'ai beaucoup de lait, ça va bien. Seulement n'oubliez pas, vous m'avez promis de dire beaucoup de prières et demain matin la messe sera pour moi et vous me donnerez tout alors demain matin... N'est-ce pas que vous direz à maman que je l'aime bien, que je pense à tous les parents et que ça me fera de la peine de mourir comme ça... seul... » Il me saisit la main et crie « ... Ça va, à vous prêtre, que je vous charge d'embrasser maman ? »

« -mais oui, mon ami, je le ferai avec plaisir, mais soyez sans crainte, c'est vous-même qui l’embrasserez quand vous irez en France... »

« - qui sait, qui sait ? » (Répondit-il) « en tout cas, promettez-le moi », sur ce, il m'attira à lui et m'embrassa, je le quittais pour aller voir l'autre malade ; je pleurais comme un enfant, cela faisait pitié de l'entendre ainsi parler.

Je montai à l'étage supérieur, au chevet d'un malade... Hélas quelques minutes ne s'étaient pas encore écoulées, qu'on vint me crier... « Le lieutenant est mort à l'instant. » Oh ! Madame, j'ai cru rêver et dans une seconde de réflexion, j'ai pensé à la famille absente, à ce charmant jeune homme disparaissant ainsi dans un hôpital, après avoir été sauvé des balles à la guerre, je courus à sa chambre, il était là, inerte, comme fatigué d'un dernier effort, le corps là, les bras sur la poitrine. L'infirmier me dit : « après votre départ, il y a quelques instants, l'officier fut très calme, quoique paraissant énervé. Il s'était assoupi, comme pour dormir, il ne dit rien, à part une fois il demanda du lait. Puis tout à coup, il ouvrit les yeux, poussa 2 ou 3 cris et ce fut tout. Une crise subite et la mort vint en un instant sans une minute d'agonie. »

Je m'approchais de lui, il était encore tout chaud, je me baissais sur son front, et laissais maintenant couler mes larmes sur sa figure. Alors dans un suprême souvenir de vous, de ses parents, je déposais sur son front mon long et dernier baiser. Mon pauvre René, ta mère est loin, oh, en son nom, au nom de ton malheureux père et des parents, prends un dernier baiser.
Au moins, j'avais la satisfaction de pouvoir me dire qu'il était venu mourir chez les sœurs et qu'il avait au moins eu l'occasion de mourir pardonné et préparé ; il n'a pas reçu l'extrême onction, mais qui aurait prévu une fin si subite.

Dans votre lettre, Madame, vous dites à la supérieure vos inquiétudes au sujet de son âme, je pense que vous voilà maintenant rassurée, vous voyez qu’il ne vous a pas oublié avant de mourir, le baiser suprême qu'il m'a donné pour vous, je vous le transmets, Madame, comme un dépôt sacré. Le lendemain de sa mort, mardi, j'ai dit la messe pour lui et comme à plusieurs reprises il m'a demandé de prier et de dire la messe, je me fais un devoir de dire trois messes par mois pour le repos de son âme, cela à titre d'ami de votre pauvre René. De votre côté, Madame, faites célébrer des messes, puisqu'il l'a demandé. Sûrement, Dieu recevra cet enfant dans son paradis, car au fond il est resté bon.

Tous les amis assistèrent à ses funérailles. Les journaux prétendirent qu'on l’avait mal soigné, soyez cependant persuadé, Madame, qu’ici nous avons fait l’impossible, mais tout fut inutile, on nous l'avait porté à l'hôpital MOURANT.

Ai-je besoin d'ajouter combien je prends part à votre deuil, Madame. En l’assistant, je n'ai fait que mon devoir et je continuerai à faire mon devoir en priant pour lui. De temps en temps, je vais le voir au cimetière et lui porter des fleurs en votre nom. Si vous avez besoin d'autres renseignements, je suis à votre entière disposition. Pardonnez-moi ma rédaction, je suis tout ému en vous écrivant.

Si Monsieur Veilhan n'a pas reçu ma première lettre, je lui présente mes sincères condoléances, ainsi qu'à toute la famille. Consolez-vous tous en pensant que René a pu au moins mourir dans les mains des sœurs et de l'aumônier. Monsieur Huret m’a dit vous avoir aussi écrit. Beaucoup m'ont demandé votre adresse et tous ceux qui l’ont connu à l'hôpital me chargent de vous transmettre leurs condoléances.

Veuillez agréer, Madame, l’assurance de mon parfait respect.

J Noel
L’abbé Jean Noel, aumônier

 

Lettre de Boudet

Constantinople, le 25 mars 1920

Monsieur,

je réponds à votre lettre que me remet le docteur Fichet, et m'empresse de vous donner tous les renseignements que je puis au sujet de votre regretté fils.

J’avais eu quelques relations de bonne camaraderie avec René. C'est dans l'après-midi du 5 ou 6 janvier que pour la première fois je fus appelé auprès de lui (par le fils de la propriétaire de l'appartement qu'il occupait). Je ne le savais pas malade, j'allais le voir quelques heures après, mon service ne me permettant pas de le faire à l’instant même. Je le trouvai assez fatigué, « malade depuis quatre jours environ », me dit-il. La fièvre était élevée, aux environs de 40°. Il se plaignait de céphalée très forte, courbature, toux sèche, quelques nausées ; ne trouvant aucun signe de méningite ou de typhus, maladies auxquelles on pouvait immédiatement penser, je conclus à de la grippe, il y en avait alors de nombreux cas à Constantinople. Aucune complication pulmonaire ne se dessinait encore, le lendemain aucune amélioration ne se produisant et vu la difficulté d'avoir, pour la nuit en particulier, tous les soins que requérait son état, je lui proposai d'entrer dans un hôpital, il s'y refusa énergiquement, tout au plus serait-il venu dans notre hôpital (s’y résignant toutefois difficilement) mais nous venions alors de recevoir l’ordre de ne plus accepter de personnes étrangères à la marine. Sur ses supplications, je patientais, mais le samedi 10, l’état des poumons ne me paraissant pas rassurant, et la nuit précédente ayant été mauvaise, je demandai par écrit son admission d’urgence dans un hôpital, je fis moi-même les démarches nécessaires auprès du chef d’état-major du commandement de la place pour le faire admettre dans un hôpital militaire au cas où faute de place, l’hôpital civil n’aurait pu le recevoir. Ce fut seulement dans l’après-midi du dimanche qu’il put être transporté à l’hôpital Franchet d’Esperey. Le lundi, mes occupations ne me permirent pas d'aller le voir, et le mardi, au moment précis où je partais le visiter, j'appris la fatale nouvelle, quand je le revis, il n’était déjà plus de ce monde.

À mon avis, il avait succombé à une atteinte de grippe avec complications pulmonaires.

Au début, il avait surtout souffert de céphalée et de courbature, mais ses souffrances avaient beaucoup diminué le vendredi, et le samedi, seulement la fièvre se maintenait très élevée. Il conversait normalement, sa seule crainte était d'entrer dans un hôpital comme pourtant la chose était indispensable, et pour les soins que réclamait son état et à cause de la propriétaire de l'appartement (effrayée de voir un cas qu'elle soupçonnait être un cas de grippe au sein de sa famille), j'avais fini par le persuader le samedi soir, il accepta volontiers de partir.

Au début, j'avais eu à calmer un peu son esprit que préoccupait souvent le souci des affaires. Après cela, il avait eu un moment la crainte que son associé étant lui aussi malade, leur labeur ne fût entièrement perdu, je le rassurais bien qu'ignorant ce dont il s'agissait.
Il m'entretint quelquefois de vous tous, surtout au moment où je lui parlais d'entrer à l'hôpital, ayant l'air de dire que c'était là comme une déchéance, je dus le persuader comme un enfant et lui ôter aussi sa crainte de l'hôpital.
Moralement, il ne fut point trop affecté de son état à aucun moment, il fut fort docile aux soins et tant que le poumon restait sain, j'avais bon espoir.

Voilà tout ce que je puis vous dire au sujet de votre cher fils, nous pleurons un charmant camarade que nous aimions beaucoup, qu’il y ait en cela un peu de réconfort pour vous. Dans cette pénible circonstance où je m'associe à votre douleur, croyez à ma profonde compassion.

Boudet

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