A 30 ans, sur un passeport délivré
à Rome pour aller à Naples, tel est le signalement physique d’Achille:
taille 1m72, cheveux châtain foncé, yeux gris, nez gros, visage
ovale.
Achille avait une sœur Anaïs qu’il aimait
tendrement et un frère Émile, Receveur des Postes, très
dépensier, qui lui demandait sans cesse de l’argent.
Une partie de sa correspondance avec sa sœur et sa mère, avant son
mariage, nous est parvenue et j’en extrais quelques passages faisant revivre
la personnalité et la vie quotidienne d’un officier du Génie
de l’époque.
Auparavant, 2 ou 3 lettres de jeunesse. D’abord une
lettre de lui, à 9 ans, en 1827.
« A hocto hora du soir,
« Mon cher frère,
« Tu me dis que tu as été surpris en voyant ma belle
écriture; il est vrai que j’écris comme un chat; tu ne sais
peut-être pas que je veux être médecin et qu’il est
à propos que personne ne puisse lire mes ordonnances. »
« C’est égal, pourvu que tu pusses me lire, nous nous
écrirons souvent et nous nous dirons tout ce que nous saurons. Je te
dirai que je vais à noce demain, si nous avons le bonheur de nous voir,
tu ne me reconnaîtras plus tant je serai gras. C’est la troisième
noce que je mangerai demain... tes châtaignes avancent à peler...
« Aimons-nous bien, vivons en bons frères, si tu travailles
bien, j’espère que je t’imiterai.....
ton frère Etienne Bernard Achille Veilhan bonne tête pour la
vie
« J’oubliais de te dire que c’est la Fanchon qui sue pour
griller tes châtaignes »
A quinze ans, c’est un excellent élève.
En pension à Magnac Laval, au collège royal de Saint-Louis, il
écrit à ses parents :
« le 28 novembre 1833
... Nous avons composé deux fois 1°) en version latine 2°) en
version grecque... Nous sommes vingt en Rhétorique... L’on trouve
qu’il fait un peu froid ici, mais ce n’est rien pour moi quand j’ai
les mains couvertes... Cependant... il serait bon de me faire parvenir ... un
pantalon, parce que celui que je porte n’est pas assez long, mon gilet
ne l’est pas trop, de sorte qu’il se trouve un endroit entre le
pantalon et le gilet qui n’est pas couvert, et tout ce qui n’est
pas couvert est en ce temps-ci susceptible de sentir le froid. L’on n’allume
pas encore notre poêle... »
Élève au lycée Charlemagne, à
Paris, où il prépare Polytechnique, il est pensionnaire à
la pension Massin dont parle Francisque Sarcey dans son journal de jeunesse
(recueilli et annoté par Adolphe Brisson)(1839-1857) :
« Cet internat occupait un vaste immeuble avec triple façade
rue des Minimes, rue de Béarn, rue St Gilles, à proximité
de la Place Royale où logeaient alors Victor Hugo et Rachel. C’était
un des coins les plus littéraires de Paris.
« Le petit-fils de M. Massin a bien voulu m’y conduire
en pèlerinage. C’est un aimable vieillard qui a gardé de
ce temps lointain une image très précise. Nous avons parcouru
la maison qui abrite aujourd’hui une confiturerie, gravi le bel escalier
à rampe Louis XIV que les élèves dégringolaient
jadis en quittant le dortoir... Puis nous avons refait le chemin qui séparait
la pension du collège, longé la rue de Turenne (autrefois rue
St Louis), la rue d’Ormesson et traversé la place du Marché
Ste Catherine et même reconnu l’étroite pâtisserie
qui vendait en 1839 des petits pains succulents dont les potaches se régalaient.
« Ils étaient soumis à une rude discipline et s’en
accommodaient parfaitement, eux et leurs mères. Ils ne se plaignaient
pas d’être surmenés à cette époque.
« A cinq heures du matin, été comme hiver, le tambour
les réveillait; ils sautaient à bas du lit, entraient à
la chapelle. De là, à l’étude, où ils restaient
jusqu’à 7h30. »
« Après ces deux heures de travail, ils avalaient une assiette
de soupe et se rendaient en rangs, deux à deux, à Charlemagne.
Ils devaient être en classe à 8h. A 10h, ils en sortaient, retournaient
à l’institution et, sans aucun répit, on les bouclait à
nouveau dans une étude qui durait trois heures d’affilée:
de 10h15 à l3h15. A ce moment, on déjeunait enfin.
« Vous pensez si ces jeunes estomacs devaient être affamés.
Mais on leur accordait en tout une demi-heure pour le repas et la récréation,
car on devait être à deux heures précises à Charlemagne.
« A 16h, retour, goûter et récréation de vingt
minutes. Enfin, la grande étude qui durait de 16h45 jusqu’à
dix heures du soir (pour les grands, avec interruption d’un quart d’heure
pour souper) »
A 19 ans, en 1837, il est reçu à l’École
Polytechnique.