En 1925, mes parents avaient décidé
de construire une villa à Versailles pour y finir leurs jours. Yves avait
suivi la construction de cette maison, dans le financement avait dû être
rendu possible par la vente de Ker-Huella. Le 8 septembre 1926 mes parents déménagent
une fois de plus et s'installe au N° 3 de la rue Jules Raulin. Je donne
ci-joint des plans de la maison. Cette fois les meubles, y compris le lit à
baldaquin, retrouvaient une aisance à laquelle ils n’étaient
plus habitués depuis plus de douze ans !
J'avais été envoyé
par ma Compagnie, à Saint-Aubin sur Mer diriger pendant l'été
le petit service des Eaux. Mon père vint nous voir les 27, 28, 29 septembre.
Puis nous revenons à Versailles
et, nommé à Arcachon, je pars avec Christiane, les deux enfants
et ma mère au début de décembre. Mère reste quelques
jours pour nous aider dans notre installation dans une petite villa sous les
pins.
En janvier, meurt à Morlaix mon parrain,
M. Laurent, et mes parents assistent à l'enterrement de leur vieil ami.
Ils séjournent à Morlaix du 18 au 23 janvier.
Alain était employé à
Nantes à la biscuiterie Lefèvre-Utile. Il s'était fiancé
à Versailles avec Marthe Partiot et, accompagnée par celle-ci,
ma mère séjourne à Nantes du 25 février au 2 mars.
Du 17 au 20 avril, mon père et Yves
sont à Château-Ponsac (à 21 km de Guéret dans la
Haute-Vienne) invités par une cousine de la famille Veilhan, avec qui
Yves avait renoué des relations au cours de ses recherches généalogiques.
Mon père assiste le 28 mai au mariage
de Marie-France Louis aux Andelys.
Du 13 au 20 juin, il passe nous voir à
Arcachon puis se rend à Bilbao.
Le 4 octobre, a lieu à Neuilly, le
mariage d'Alain.
Au cours de cette année 1927, mon
père avait quitté la «S.A.D.E. » et étais entré
à la « Régie des Chemins de fer » qui lui offrait
des appointements doubles. Il avait alors 64 ans et était en pleine forme
physique intellectuelle, mais il trouvait pénible la vie de « banlieusard
», restant déjeuner à Paris et rentrant à 8 heures
du soir.
En novembre 1927 je suis nommé à
Perros-Guirec et nous nous installons dans la maison de la Cie Gle des Eaux.
Fin janvier, mon père se rend à
Nantes aux obsèques de M. Ecomard, puis à Vaufuget.
En février naît Patrick.
Du 18 avril au 15 mai, ma mère et
Yves vont à Dinard puis à Perros où nous les recevons.
Puis du 26 au 29 mai, c'est mon père qui passa Vaufuget et du 1er au
12 août qui séjourne dans notre maison de Perros.
Les 6-7 septembre, ma mère est à
Lisieux et du 19 au 21 septembre à Galmont chez les Dufresne. Enfin,
du 12 au 15 décembre elle est à Perros.
On voit que mes parents voyageaient encore
beaucoup !
En mai, ma mère tombe d'un escabeau
dans la maison de Versailles, se casse le nez et a de nombreuses coupures et
contusions. Il lui faut plusieurs semaines pour se remettre, mais le 24 juin,
elle peut venir faire un séjour à Perros.
Jo avait été reçu
à son examen de préparation militaire supérieure et, en
novembre, il entrait à Saint-Cyr. Mes parents demeuraient donc seuls
avec Yves dans la maison de Versailles.
En novembre mourait Marie-René Barba,
belle-sœur de ma mère.
Jo sortait sous-lieutenant de Saint-Cyr
en avril et était affecté au Tirailleurs sénégalais
à Toulon. Mes parents vont le voir en juin.
Le 6 août, Sabine naissait à
Perros et ma mère accourait aussitôt. C'était son sixième
petit enfant avec Francis et Chantal Alain Veilhan.
Je suis obligé de quitter Perros
pour raisons de santé et d’aller me reposer en novembre. J'arrive
à Versailles en novembre avec toute ma famille et part ensuite en auto
avec mon père et Yves pour Juan-les-Pins où m'héberge ma
vieille amie la marquise de la Soudière.
Je trouve ensuite une petite villa à
louer à Golfe-Juan et ma mère accompagne Christiane et ses 4 enfants
dans leur voyage jusqu'à cette maison, « Lou Miradou », au
chemin de la Gabelle ; elle reste quelques jours et regagne Versailles.
Jo est démobilisé et revient
habiter avec ses parents. Il suit l'École des Arts Décoratifs
tout en professant à Sainte-Croix de Neuilly.
En février eurent lieu les fiançailles d'Yves
et d’Annie Samson. Le mariage eut lieu à Angers dans une ambiance
particulièrement joyeuse à laquelle mon père participa
grandement.
J'avais été nommé en mars à
Toulon, à la S.A.D.E. et j'avais réussi avec beaucoup de mal à
me loger Route du Cap Brun dans la villa des « Chimères »
(avenue du Dr Amouretti). Mes parents vinrent y faire un séjour du 11
au 28 juillet et nous fîmes plusieurs excursions en auto.
En août, mes parents passèrent trois jours
chez leurs amis Borne à la Ferté-sous-Jouarre. Du 25 au 27 août
mon père est aux Andelys, et du 27 au 30 septembre il revient au Chimères.
Jo ayant été nommé professeur à
l'École d’Architecture de Grenoble prit son service fin 1932 et
mes parents demeurèrent ainsi seuls à Versailles.
En janvier je tombe gravement malade à Toulon, puis
c'est le tour de Christiane, des enfants et de la gouvernante anglaise. Ma mère
vient à notre secours le 11 janvier. Elle tombe aussitôt malade
à son tour et mon père arrive le 18. Il part le 23, la situation
étant rétablie sauf pour ma mère qui a besoin d'un assez
long repos et reste aux Chimères. Mon père ira la chercher en
février (10-15). À peine de retour à Versailles, ma mère
est atteinte d'une phlébite et doit rester immobilisée pendant
tout le mois de mars.
Jo se fiance à Grenoble en mars avec Ninon Pla
et mon père se rendit auprès de lui.
Le mariage eut lieu le 15 juillet à Grenoble. Mes parents partent de
Versailles le 11, assistent au mariage et joignent Nice par le car, le 18. Ils
séjournent à Monaco (où j'avais été nommé
par la Cie Gle des Eaux) jusqu'au 26. Ils passent alors trois jours à
Sospel, s'arrêtant le 30 à Toulon et sont le lendemain à
Versailles. Puis du 4 au 13 août ils séjournent chez les Borne
à la Ferté-sous-Jouarre.
Mon père continuait à travailler à
la Régie des Chemins de fer. Mais sa situation financière devenait
de plus en plus difficile, par suite surtout de la non réévaluation
de sa retraite des Chemins de fer en période de pleine dévaluation.
Mes parents sont obligés de renoncer à leur
maison de la rue Jules Raulin et de la donner en location. Ils s'installent
alors dans un petit appartement en location, au 7 de l'avenue de Paris où
ils demeurèrent jusqu'à leur mort.
Il s'agissait d'un rez-de-chaussée assez sombre dans une maison ancienne
de confort rudimentaire. De plus, mes parents voulurent conserver tous leurs
meubles, de telle sorte que ce fut un entassement, laissant bien peu de place
pour circuler.
Le seul avantage, par rapport à la rue Jules Raulin, consistait dans
la réduction du nombre de pièces toutes de même niveau.
Mes parents qui avaient dû réduire l'aide domestique à une
femme de ménage, se fatigueraient moins ainsi.
L'installation eut lieu le 1er avril. C'était le
7e déménagement en vingt ans.
Le 28 septembre naît à Grenoble Nicole Veilhan
et mes parents se rendent au baptême le 14 octobre. Ils partent le 20
pour Toulon et Monaco et sont de retour à Versailles le 7 novembre.
Ils vont passer les fêtes de Noël avec les
Jo à Grenoble, revenant à Versailles le 29 décembre.
Cette année-là, en mai, mes parents vont
à Nantes chez les Ménager (beau-frère de Louise Binet)
à l'occasion des fiançailles d’Annie Bonnafont et de Stany
Cliquot de Mentque.
Le 11 mars, survenait le décès de René
Barba, frère de ma mère.
En juillet, mes parents sont à Nantes chez les Ménager,
puis à Sion chez les Partiot et assistent aux environs de Nantes au mariage
d’Annie Bonnafont. C'est à ce mariage que les fermiers rassemblés,
crient « Vive not’Maître », « Vive le Roi »
dans la pure tradition vendéenne !
J'avais été muté de Monaco à
Nice et les difficultés de logements étaient toujours grandes.
Mes parents songeaient aussi à avoir à Nice une petite installation
où ils passeraient l'hiver. C'est ainsi qu'après beaucoup de plans
et de projets de construction, je finis par acheter « Lou Miradou »,
grâce à l'aide de M. Borne qui, spontanément, voulu nous
faciliter cette installation. La maison était assez grande pour que tout
le 2° étage puisse être réservé à mes
parents et qu'ils puissent y vivre de façon indépendante. Il y
avait pas mal de réparations à effectuer et mon père vint
en discuter en août 1936.
M. Borne mourut en octobre 1936 et ce fut pour mon père un très
grand chagrin.
Fin 1936, mon père quitta sa situation. Il avait
alors 73 ans.
Les travaux se terminent et mes parents peuvent venir à
Nice dans leur nouvelle installation au mois de mars. Ils firent venir le trop-plein
des meubles de Versailles. Ils regagnèrent Versailles en juin, après
s'être arrêtés à Lyon chez les Jo (Jo avait quitté
Grenoble en 1935 pour Lyon où il était professeur de dessin au
lycée).
En juillet, les parents sont au Pouliguen avec Anny et
ses enfants.
En décembre, ils prennent leurs quartiers d'hiver
à Lou Miradou.
Mes parents ont maintenant 14 petits-enfants et ma mère
s’intéresse à eux dans les plus petits détails.
Ils séjournent à Nice jusqu'en juin et rentrent
à Versailles par le car en s'arrêtant à Lyon chez Jo.
Ma tante Marie-Louise Rolland, sœur de mon père,
meurt à 74 ans à Vaufuget, en septembre et mes parents vont à
ses obsèques à Vouvray.
Au moment des menaces de guerre, apaisées à Munich, mes parents
reviennent à Vaufuget avec Marc Veilhan (fils d'Alain) et rentrent à
Versailles en octobre. Ici s'arrêtent les quelques notes prises par mon
père et je n'ai plus, pour me guider dans les années à
venir, que les lettres de mes parents et mes souvenirs personnels.
Mes parents arrivent à Nice par le car en mars.
La situation internationale devenant de plus en plus tendue, mes parents quittent
Nice le 20 avril pour Nantes, emmenant Michel et Patrick qui rejoignirent ensuite
leurs grands-parents de Lélée à Morlaix.
En juillet, mes parents vont à Lyon auprès
des Jo.
À Versailles, Martine Perdriel, devenu Martine Mackensie
par son mariage, faisait de mon père un buste remarquablement ressemblant.
En août c'est la mobilisation. Jo et Pol partent aux Armées. Mes
parents viennent passer l'hiver à Miradou, puisque l’Italie n’est
pas entrée en guerre.
Ils assistent à la naissance de Jean-Claude en février.
Lors des événements militaires de mai, mes
parents reviennent à Versailles. Mais les troupes allemandes approchent
et mes parents vont à Niort dans une maison louée par les Partiot,
au 2 rue de la gare. Les Allemands atteignent Niort en juillet et la maison
est réquisitionnée par un général et son État-Major.
Mes parents sont mis à la rue et dans cette ville archi bondée
de troupes et de réfugiés, ils auraient sans doute couché
dehors sans la bonté du 1er adjoint de la ville qui leur donna une chambre
chez lui.
Le 20 juillet, ils parviennent à rentrer à
Versailles.
La France est divisée en deux zones : libre et occupée
et on ne pouvait communiquer de l'une à l'autre que par des cartes. En
1941, ces cartes mettaient une vingtaine de jours pour arriver à destination.
En 1942, le délai se réduisit (!) à dix jours. Il semble
d'après ces cartes que mes parents n'aient pas bougé de Versailles
pendant ces deux années.
Ils souffraient beaucoup des restrictions de toutes sortes
et la pénurie alimentaire allait avoir une influence néfaste sur
la santé de ma mère. Ils avaient heureusement le voisinage d'Alain
et de sa famille.
A partir de mars 1943, on put correspondre par lettre.
Cette année-là commencèrent les bombardements importants
de la banlieue de Paris et en France. Je ne puis citer tous les bombardements
de Versailles racontés par mes parents ; les plus importants sont ceux
du 8 avril visant Billancourt et ceux de juillet sur Villacoublay, Buc, Clamart.
En juillet 1943, je parviens à aller à Paris et à passer
la journée du 14 à Versailles. Je trouve mes parents très
changés et vieillis.
Le 31 décembre, ils assistent à Paris au
mariage de leur petit-neveu Charles Martin, au milieu d'alertes répétées.
L’hiver est très dur pour mes parents avec
les restrictions de chauffage que rendait encore plus sensible la sous-alimentation.
Et en janvier, ma mère a une forte bronchite. Son
état s'aggrave continuellement à partir de ce moment. En février,
Versailles subit de violents bombardements. Ma mère souffre de plus en
plus : sciatique, névrite, décalcification de la colonne vertébrale.
Elle ne peut plus rester debout longtemps. Elle est voûtée et déformée.
Le mal qui l'avait atteint à 14 ans se reproduit soixante ans plus tard
et ne peut plus être guéri.
On essaye cependant un traitement par rayons X. Mais il
faut aller à la clinique et il n’y a plus de voitures ni de taxis.
Mon père achète une remorque pour bicyclette et avec l'aide de
sa belle-fille Marthe, il pousse et tire la remorque sur les mauvais pavés
de Versailles, avec ma mère assise dedans. (Mon père avait plus
de 80 ans à cette époque !)
En mai, ma mère signale les bombardements répétés
des environs de Versailles.
Francis (fils d'Alain) est revenu au Chesnay auprès
de ses parents. Il attelle sa bicyclette à la remorque et peut ainsi
conduire sa grand-mère à la clinique.
En juin, les bombardements redoublent aux approches de
Versailles, les routes sont mitraillées, le ravitaillement est à
peu près nul... Mes parents émigrent le 15 juin chez Alain au
Chesnay.
Ils peuvent encore avoir des nouvelles de leurs autres
enfants, le courrier arrivant à passer mais avec de très longs
délais.
Ils partagent avec les Alain tous les événements, alertes, bombardements,
famine... jusqu'à la libération de Versailles et de Paris. Le
courrier est alors totalement arrêté.
Le 9 septembre mes parents reviennent avenue de Paris (ma
mère est pratiquement toujours allongée).
Le courrier reprend un peu sous forme de cartes. Une carte
du 8 août que je leur ai envoyée de Nice, leur parvient le 11 octobre
! Le merveilleux c’est qu'elle soit arrivée ! De leur côté,
mes parents avaient pu me donner de leurs nouvelles en confiant une lettre à
un voyageur. J'arrive à gagner Versailles en octobre et fait avec mes
parents le point de tous les événements dans toute la famille.
Chacun avait souffert mais il n’y avait eu ni mort ni blessé !
En janvier ma mère a une bronchite. Le ravitaillement
est encore plus réduit que sous l'occupation et la faim et le froid éprouve
mes parents.
En février, mère va un peu mieux, mais elle
demeure toujours couchée. On lui a installé un petit lit devant
la fenêtre de sa chambre. Elle peut ainsi voir le mouvement de l'avenue
et recevoir les rares rayons de soleil de cet hiver rigoureux.
Elle reçoit la visite de sa vieille amie, Mme de
Lélée avec deux de ses enfants : Geneviève et Melaine.
Ce sera la dernière visite de ma belle-mère qui meurt à
Morlaix en mai.
Le courrier passe maintenant régulièrement,
tout en étant fort long à parvenir. Ma mère s'inquiète
toujours de ses enfants et petits-enfants.
Mon père commence à avoir des troubles de
la vue. Il est obligé de lire avec une loupe.
Le ravitaillement s'améliore tout de même
et mes parents vont mieux avec la fin de l'hiver et... ils partent en voyage.
En juillet, ils sont aux Tranchandières, près
d'Angers, chez Yves. De là, en septembre, mon père vient à
Nice assister au mariage d’Aliette. Le 28 septembre il est à Grenoble
chez les Jo. Le 30 il est à Versailles. Il arrive aux Tranchandières
et regagne Versailles avec ma mère le 10 octobre.
Mes parents continuent à écrire régulièrement
à leurs enfants, les tenant au courant de toutes les petites nouvelles
de la famille. Cependant la fréquence des lettres diminue et l'écriture
de ma mère tremble un peu. L'hiver les éprouve et les grippes
sont nombreuses. En mars, ma mère est très malade avec menace
d’urémie. Elle demande l'extrême-onction, mais on ne la trouve
pas assez en danger pour accéder à sa demande.
Bien que fort malade encore, ma mère veut célébrer
le cinquantenaire de son mariage (23 mars 1897). Elle ne peut évidemment
assister à la messe, dite à cette intention dans une chapelle
du voisinage, mais elle se recueille dans la prière :
« Nous voulons, en ce jour, ô mon Dieu, vous rendre grâce
pour ces 50 ans d'union complète que vous avez bien voulu, nous donner.
Nous vous consacrons une fois de plus notre foyer, notre famille, les présents
comme les absents et ceux qui viendront après nous.
Nous rappelons le souvenir de nos chers morts que nous sentons encore avec nous,
et nous vous demandons que nos âmes montent de plus en plus vers Vous
pendant le temps que nous avons encore à passer ici-bas. »
Le dimanche 30 mars, pour les Rameaux, mes frères,
belles-sœurs, se réunissent autour de mes parents et fêtent
cet anniversaire.
Le 27 juillet, mes parents partent aux Tranchandières
et y séjournent tout l’été auprès des Yves.
Il semble que ma mère aille mieux. Elle peut marcher un peu, aller à
la chapelle voisine...
Mon père, lui, ne peut rester en place. Il va plusieurs
fois à Versailles régler des petites questions matérielles
qui l'agitent beaucoup.
Le 10 octobre, mes parents s'installent à Angers,
rue Tarin, dans la maison des Yves. Mon père, parti en novembre à
Versailles, y demeure bloqué quinze jours par suite des grèves.
Mes parents passent les fêtes de Noël à
Angers.
Ils rejoignent Versailles le 4 janvier et ma mère
supporte bien le voyage. Mais le médecin lui ordonne de rester couchée
le plus souvent possible pour arrêter la décalcification dont elle
souffre. Elle s'étend dans la journée sur son petit lit devant
la fenêtre, se lève quelques minutes d'heure en heure, s'assied
dans le grand fauteuil, toujours devant la fenêtre quand il fait beau.
Elle pense sans cesse à ses enfants et petits-enfants. Elle écrit
régulièrement.
Mon père se rend encore parfois à Paris pour
des mariages. En mai, il va à Angers avec sa petite-fille Chantal, pour
la première communion de Gérard.
Le 12 août, mes parents partent aux Tranchandières,
mais ils se plaignent de leur fatigue. Jo peut passer les voir et leur présenter
son fils Guy qu'ils n'avaient jamais vu (Guy avait huit ans).
Le 27 août mon père va à Sion, emmené
par M. et Mme Partiot.
Mes parents reviennent à Versailles le 3 octobre
et sont tout heureux de reprendre leurs habitudes. Ma mère s'allonge
le plus possible, mais arrive encore à préparer les repas. Mon
père fait les courses et pousse même quelquefois jusqu'au «
Grand Marché ».
Mon père est très malade en mai. Tous ses
enfants peuvent se rendre à son chevet. Les médecins le considèrent
comme perdu. Mais leur patient a une vitalité extraordinaire et au bout
de huit jours, après avoir été au seuil de la mort, mon
père accueillit un matin son docteur avec un sourire ironique et lui
annonça sa résurrection.
Ce fut pourtant une nette coupure dans son état
et il ne parvint plus à reprendre son activité habituelle.
Je n'ai plus désormais la possibilité de
transcrire des souvenirs détaillés car mes parents cessèrent
pratiquement d’écrire. Mon frère Alain avec sa famille assista
mes parents jusqu'à leur mort. À chacun de mes voyages je les
trouvais davantage affaiblis. Leurs forces déclinaient mais ils gardaient
une lucidité totale.
Mon père mourut le 27 avril 1953 et ma mère
vécut encore jusqu'au 17 novembre 1955, supportant avec sa foi merveilleuse
des souffrances toujours accrues.
Ils reposent au cimetière Montparnasse à
côté de leur fils René.
J'ai voulu écrire ces Notes pour que leur souvenir
demeure au-delà de mes propres souvenirs et je demande à mes enfants
de songer parfois à ces grands-parents qui avaient pour eux, dans leur
cœur, une tendresse infinie.
Pol Veilhan |