Départ de Mazarin à Bouillon et fin de la Fronde
<-- Vers 6 - Les échanges avec le baron de Penacors |
Le combat de Bléneau,
suivi du siège d'Étampes et bientôt du combat du faubourg
Saint-Antoine, le 2 juillet, avait ouvert à l'armée des princes
les portes de Paris. Le prince de Condé, devenu maître de la capitale,
avait désormais entre les mains tous les moyens nécessaires pour
dénouer à son profit la crise de la Fronde, mais son inaptitude
politique, jointe à sa violence lui firent perdre promptement tous ses
avantages. Le massacre et l'incendie de l'Hôtel de Ville, dans le but
de terroriser le Parlement et la bourgeoisie, qu'il eût été
plus habile de gagner, devinrent le signal d'une réaction dans les esprits.
Le Parlement, suivant l'inspiration du cardinal de Retz, émit alors une
déclaration qui conférait au duc d'Orléans le titre de
lieutenant général du royaume, le plaçant ainsi à
la tête de l'état et bien au dessus du prince de Condé.
Ce titre trouvait son apparente justification dans cette situation que la régence
avait cessé avec la majorité du Roi, et que ce Prince était
trop jeune pour gouverner lui-même. Cette déclaration s'appuyait
encore sur cette allégation que le jeune Roi était un captif entre
les mains du cardinal Mazarin. A cet acte du Parlement, une ordonnance royale
vint répondre par le transfèrement de ce corps à Pontoise.
Un petit nombre de conseillers obéit, le plus grand nombre s'y refusa.
Il y eut par suite deux Parlements en face l'un de l'autre, s'anathématisant
réciproquement : le Parlement de Paris et le Parlement de Pontoise.
Un fait étrange, au premier aperçu, fut l'arrêt d'exil rendu
par le Parlement de Pontoise contre le cardinal Mazarin, mais cet arrêt
n'était qu'une manœuvre habile pour se concilier l'opinion publique,
le cardinal lui-même, de concert avec la Reine, en avait été
l'inspirateur. Cet arrêt enlevait en effet aux ennemis de la Cour toutes
les raisons, et tous les prétextes sur lesquels ils appuyaient leur opposition.
Il minait par sa base le principal motif qui avait fait conférer la lieutenance
générale du royaume au duc d'Orléans, aussi la lassitude
des troubles aidant, il était à prévoir qu'une prochaine
accalmie permettrait au cardinal Mazarin de revenir et d'exercer désormais
sans conteste un pouvoir dont pour l'instant il ne se dessaisissait qu'en apparence.
Le premier exil du cardinal avait été nécessité
par de désastreuses circonstances, mais son second exil étant
accompagné de l'auréole d'un sacrifice volontaire, ouvrait l'horizon
à des espérances presque certaines.
Un contretemps fâcheux fut la mort inopinée du duc de Bouillon
qui s'était rallié avec son illustre frère, le maréchal
de Turenne, au parti de la Cour ; sa grande capacité autant dans le domaine
des choses civiles que dans celui des choses militaires, promettait un puissant
auxiliaire à la cause du ministre exilé. Sans cette perte, il
est probable que les obstacles au retour du cardinal eussent été
bien plus rapidement aplanis.
Le prince de Condé, devenu trop impopulaire à Paris pour pouvoir
s'y maintenir, se vit dans la nécessité de quitter son poste d'homme
d'état pour redevenir général d'armée ; il alla
rejoindre ses troupes et les troupes d'Espagne résolu d'entretenir avec
elles la guerre civile et la guerre étrangère.
Le cardinal Mazarin, après s'être séparé de la Cour,
le 19 août, s'était rendu à Bouillon, tandis que le baron
de Penacors avait suivi la Cour à Compiègne. Cette séparation
signale la reprise de leur correspondance.
Le 7 septembre, le cardinal adresse à Monsieur de Penacors une lettre
dont la minute ne se retrouve pas aux archives, mais dont l'existence nous est
révélée par la
réponse datée de Compiègne le 10 septembre. Cette réponse
apprend à Mazarin que le cardinal de Retz, attendu le jour même
à Compiègne, a couché à Senlis ; elle exprime la
certitude qu'il assurera la reine de son obéissance et de la sincérité
avec laquelle il a embrassé les intérêts du premier ministre.
Lorsque le cardinal de Retz, ajoute Monsieur de Penacors, sera reparti de Compiègne
la princesse Palatine prendra la plume pour informer votre éminence de
tous les détails de l'entrevue. En outre, Monsieur de Penacors informe
le cardinal Mazarin de l'arrivée à Bordeaux du duc de Guise, ce
prince aventureux surnommé le héros de la fable, lequel, archevêque
de Reims dès son adolescence, étant devenu l'aimé de sa
maison, avait renoncé à prendre les ordres, et s'était
marié avec Honorée de Berghes, veuve du comte de Bossut ; il n'avait
pas tardé à demander en Cour de Rome la nullité de ce mariage,
afin d'épouser Mademoiselle de Pons. Poursuivant les aventures d'un ordre
différent, il avait été condamné à mort pour
avoir trempé dans la conspiration du comte de Soissons contre le cardinal
de Richelieu ; la sentence inexécutée lui avait bientôt
permis de s'emparer par un coup d'audace du royaume de Naples sur lequel il
réclamait des droits, mais il n'avait pas tardé à perdre
sa couronne et sa liberté, et il avait été conduit en Espagne
pour y subir une dure captivité. Le prince de Condé avait obtenu
du roi d'Espagne la rupture des fers du duc de Guise, comptant sur sa vaillance
pour s'en faire un terrible auxiliaire contre le parti de la Cour et par conséquent
contre le cardinal Mazarin. Le débarquement en France du duc de Guise
faisait donc événement ; il était convenu que ce prince
irait en Provence relever la Fronde abattue. Dans ce but, il était essentiel
d'enlever au duc d'Angoulême le gouvernement de cette province, et des
négociations étaient entamées pour qu'il en fit l'abandon.
Monsieur de Penacors rendait un service essentiel en révélant
ce danger, et le cardinal Mazarin n'eut garde de négliger un si précieux
avis ; il fit immédiatement passer le gouvernement de Provence en mains
sûres, aux mains du duc de Mercoeur, époux de sa nièce Laure
Mancini.
Les projets du prince de Condé de susciter en Provence une diversion
redoutable, au moyen du duc de Guise, furent donc paralysés, mais il
pouvait l'employer ailleurs, lorsqu'il éprouva la déception inattendue
de voir le duc de Guise démentir ses antécédents rebelles
et oublier toute reconnaissance envers son libérateur en refusant de
combattre côte à côte avec les Espagnols, tant sa rancune
contre eux était insurmontable.
Le voyage du cardinal de Retz à Compiègne avait eu pour préliminaires
une assemblée du clergé et des communautés de Paris, par
laquelle furent désignés vingt cinq députés chargés
d'aller demander au Roi de rentrer dans sa capitale. Le remuant coadjuteur marchait
à leur tête ; le duc d’Orléans, afin de rehausser
l'éclat de cette députation, avait fourni une escorte de cinquante
de ses gardes ; de plus, deux cents gentilshommes à cheval s'étaient
joints au cortège. Ce voyage avait encore pour le coadjuteur un autre
but, celui de recevoir la barrette des mains du Roi, formalité sans laquelle
il ne pouvait porter la soutane rouge, ni aucune marque du cardinalat. Le Roi
et la Reine, sa mère firent en public bon accueil au coadjuteur et à
sa députation, mais le nouveau cardinal fut moins satisfait de son audience
particulière chez la Reine. Cette princesse commençait à
peine à lui témoigner une joie extraordinaire de sa démarche,
lorsqu'on gratta à la porte : elle alla voir et sortit. En rentrant,
elle n'était plus la même ; au lieu de consentir à s'entendre
directement avec le prélat sur les mesures à prendre pour le retour
du Roi, elle le renvoya à conférer avec Servien. C'était
Ondedeï qui avait gratté à la porte pour remettre à
la reine une lettre de Mazarin, par laquelle il la dissuadait de traiter avec
le cardinal de Retz. Servien, dans l'entrevue qui suivit, se conformant au mutisme
de la Reine, se maintint dans une réserve absolue.
Le nouveau cardinal, qui avait quitté Paris le 9 septembre, y rentra
le 14, déçu et dans le dernier mécontentement, la Cour
ayant refusé de reconnaître en sa personne le négociateur
qui allait ouvrir au Roi les portes de la capitale. Ce coup habile secrètement
porté par le cardinal Mazarin renversait le piédestal sur lequel
son rival était prêt à monter. A ce rival il n'avait même
pas permis d'exposer à la Reine que le duc d'Orléans consentait
à la paix sans stipuler aucune condition pour lui-même, et ne demandant
pour le prince de Condé que son rétablissement dans ses diverses
charges et gouvernements, sur la seule promesse de rompre toute alliance avec
les étrangers. La découverte de ce voyage de Compiègne
jeta le duc d'Orléans dans la perplexité, puisqu'il lui était
démontré que la Cour se sentait assez forte pour rentrer dans
Paris sans son appui ; il avoua au cardinal de Retz qu'il se considérait
comme perdu sans retour, et il pressa son habituel confident de lui donner des
conseils. Retz, après l'exposé des diverses voies qui pouvaient
s'offrir, fit ressortir, sans conclure absolument, que la meilleure paraissait
celle de continuer la guerre à outrance de concert avec le prince de
Condé, que par ce seul moyen il pourrait parvenir à se rendre
maître des conditions de la paix. En définitive, le confident,
pour échapper à toute responsabilité laissait au duc d’Orléans
tout l'embarras d'une détermination. Cet embarras fut naturellement suffisant
pour que ce prince n'en prit aucune, laissant les événements suivre
leur cours.
Le cardinal de Retz, bien convaincu qu'il n'avait pas à compter sur le
duc d'Orléans pour relever sa fortune en déclin, s'obstina malgré
son récent échec, à vouloir contraindre la Cour à
un rapprochement, en s'efforçant de la convaincre que de tous les intermédiaires
pour la paix, il était le meilleur. Par
une nouvelle lettre, du 19 septembre, de Monsieur de Penacors au cardinal
Mazarin, nous apprenons en effet que le cardinal de Retz informait la Cour de
tout ce qu'il faisait d'avantageux pour son service auprès du peuple
de Paris et du clergé. Afin de mieux aplanir les voies au retour du Roi,
il assurait qu'il serait à propos que sa Majesté se rapprochât
de Paris, et il annonçait une prochaine députation du corps des
marchands pour presser ce retour. Il se faisait garant des bonnes intentions
du duc d'Orléans et demandait que les propositions que devaient apporter
des envoyés de ce prince fussent favorablement écoutées.
Suivant son habitude, Monsieur de Penacors s'en remettait à la princesse
Palatine pour donner au cardinal Mazarin les informations de détail mais
la prolongation de la maladie de cette princesse ne lui permit pas d'écrire,
alors Monsieur de Penacors informe le cardinal, le
29 septembre, de cet empêchement . Il lui certifiait que si cette
princesse eût été en état de prendre la plume, elle
lui aurait confirmé la persistance du cardinal de Retz dans sa résolution
de le bien servir, malgré son secret mécontentement. Dans cette
intention, ajoute-t-il coadjuteur de Paris témoigne publiquement la satisfaction
la plus complète de son entrevue de Compiègne. Bien qu'il lui
en ait parlé en confidence en termes très différents, se
plaignant du manque absolu de confiance dont la Cour lui avait donné
la preuve en lui faisant mystère du plan qu'elle se proposait de suivre
pour la rentrée du Roi à Paris. Cette injuste méfiance
l'avait porté à croire que la Cour ne se souciait point d'avoir
recours à ses services. Naturellement Monsieur de Penacors qui ne mettait
pas en doute la sincérité du coadjuteur, ne dissimula pas au cardinal
Mazarin sa désapprobation de cette méfiance, et, dans l'espoir
d'obtenir un revirement, il se proposait de conférer avec Servien. Le
cardinal Mazarin laissa longtemps sans réponse ces lettres du baron de
Penacors, évidemment parce qu'il voulait le laisser dans l'incertitude,
ne jugeant pas à propos de lui révéler trop tôt le
changement de direction de sa politique. Le 5 octobre seulement, il lui adressa
de Bouillon où il avait fixé sa résidence, une unique lettre en réponse à toutes celles qu'il avait reçues. Cette fois,
son langage est complètement changé, il ne croit plus à
la sincérité du coadjuteur : toutefois il assure n'avoir pas mis
en doute celle de Monsieur de Penacors alors qu'il s'était porté
garant des bonnes intentions de son ami. Mais désormais les promesses
ne lui suffisent plus, il lui faut des preuves plus effectives .
Cette lettre se croisa avec une
nouvelle lettre de Monsieur de Penacors du 29 septembre, persistant dans
les mêmes appréciations de la sincérité du coadjuteur.
Le cardinal Mazarin s'empressa de
répondre, le 7 octobre, qu'il appréciait les bonnes intentions
qui lui dictaient son insistance, que son plus vif désir serait de pouvoir
suivre ses conseils, mais qu'en examinant les choses de plus près, il
s'était aperçu que les preuves de sincérité avaient
été uniquement données de son côté, tandis
qu'aucune n'avait été fournie par le cardinal de Retz, or il lui
fallait des actes éclatants, et les conjonctures présentes ne
pouvaient manquer d'en faire l'occasion. Puis, manquant à la vérité,
le cardinal Mazarin fait l'étonné de ce que leurs majestés
aient pu manifester au cardinal de Retz la moindre défiance, tandis que
nous savons que sa lettre remise à la Reine par Ondedeï au moment
de l'entrevue de Compiègne, avait brusquement changé l'attitude
de cette princesse. Mazarin invoque à l'appui de sa prétendue
sincérité les témoignages de MM. de Noirmoutier et de Bussy
qui sont venus le trouver à Bouillon. En définitive, il est évident
que son intention est de donner le change au baron de Penacors sur la conduite
qu'il veut tenir. Il est nécessaire, en effet, pour la réalisation
de ses nouveaux projets, que monsieur de Penacors se prête au nouveau
rôle qu'il va jouer sans s'en douter. Dans ce but Mazarin l'encourage
à persévérer dans ses conférences avec le cardinal
de Retz, afin de lui ôter toute méfiance. Pour mieux convaincre
Monsieur de Penacors de la confiance qu'il met en lui, il l'invite à
s'entendre avec Servien et Le Tellier pour toute communication importante, l'assurant
que ces deux ministres sont des mieux disposés en faveur du cardinal
de Retz, assertion d'une fausseté absolue. Pour donner à Monsieur
de Penacors une conviction plus complète et pour mieux écarter
de son esprit tous les doutes, en lui procurant un moyen flatteur et en apparence
certain de réussite, le cardinal l'informe que s'il désire conférer
avec la Reine elle même, Servien et Le Tellier s'empresseront de lui en
faciliter les moyens . Piège perfide, la Reine, moins encore que Servien
et Le Tellier, ne se souciait de répondre aux avances faites au nom du
cardinal de Retz, elle ne prétendait se prêter à nul arrangement
avec lui dans la crainte de nuire au cardinal Mazarin. Celui-ci, après
avoir donné avec tant de succès ses instructions secrètes
à cette princesse lors de l'entrevue de Compiègne, se tenait d'autant
plus certain que la confiance de Monsieur de Penacors serait aisément
abusée par de vaines paroles, et qu'il ne manquerait pas de faire partager
son erreur au cardinal de Retz, préliminaire essentiel pour la réussite
d'un projet qu'il méditait et dont la réalisation était
prochaine.
Les mémoires du cardinal de Retz, rapprochés des correspondances
que nous reproduisons, mettent dans une éclatante lumière la duplicité
du cardinal Mazarin ; il voulait sur toutes choses, écarter les éventualités
qui auraient pu faire tomber le ministère entre les mains du cardinal
de Retz. Et, par ce seul motif, il repoussait les propositions très acceptables
du coadjuteur, consistant dans la promesse du duc d'Orléans de se retirer
à Blois et de rester désormais étranger à la politique,
à la seule condition qu'il serait permis au prince de Condé de
vivre en paix dans ses gouvernements ; mais c'était à l'intermédiaire
même du cardinal de Retz que se refusait le cardinal Mazarin. Le cardinal
de Retz raconte que la Reine avait conçu une telle crainte que son entrevue
à Compiègne, malgré la froide réception qui l'avait
accueilli, ne portât ombrage au cardinal Mazarin qu'elle pria Ondedeï
de dire incidemment à la princesse Palatine, qui ne manquerait pas de
la répéter, qu'elle en avait fait de grandes railleries. Afin
de mieux rassurer encore le cardinal Mazarin, la Reine avait affecté
de plaisanter ostensiblement avec l'abbé Fouquet sur les folies du cardinal
de Retz qui avait entretenu dans ce voyage sept tables ouvertes et dépensé
huit cents écus par jour. Les plaintes du coadjuteur au sujet du manque
de confiance dont il était l'objet, se trouvaient donc amplement justifiées.
Malgré toutes les assurances données, le baron de Penacors ne
fut pas aussi dupe que Mazarin l'avait espéré. En présence
de faits qui parlaient d’eux-mêmes, il ouvrit les yeux et il commença
à revenir des illusions qu'il s'était faites sur la possibilité
d'établir un facile accord entre les deux éminences. Il
s'en expliqua franchement avec le cardinal Mazarin en appuyant sur le bien
fondé des griefs du cardinal de Retz basé sur ce que aucune des
mesures concertées pour la rentrée du Roi à Paris ne lui
avait été communiquée ; mais n' admettant pas que le cardinal
de Retz puisse mériter aucun soupçon, il maintient son entière
franchise dans les ouvertures qu'il a faites, assurant que l'injustice dont
il est victime n'a nullement altéré son dévouement au service
du Roi, donnant pour preuve les gages écrits, mis entre les mains de
la princesse Palatine, de son inébranlable fidélité et
de sa résolution de servir les intérêts du cardinal Mazarin.
Monsieur de Penacors émettait des conseils qui lui avaient été
certainement suggérés par le cardinal de Retz, ne rien résoudre
sans le concours de cette éminence, mettre fin, en les réunissant,
à la scission des deux fractions du Parlement, celle de Paris et celle
de Pontoise, envoyer sur toutes choses une amnistie générale.
La santé de la princesse Palatine étant rétablie, c'est
à elle, déclare Monsieur de Penacors, qu'il rendra compte désormais
de toutes choses, et cette princesse en transmettra la connaissance au cardinal,
sous réserve du secret le plus absolu, car le cardinal de Retz désire
que les résolutions qu'il prendra ne soient connues que du cardinal Mazarin
et de cette personne .
La persévérance de Monsieur de Penacors démontre que le
caractère de Retz, dans sa ténacité, continuait à
prétendre s'imposer de la façon la plus gênante pour le
cardinal Mazarin.
Malgré son antipathie pour le prince de Condé, antipathie que
ce prince lui rendait avec usure, Mazarin continuait à préférer
une alliance avec ce prince qu'il considérait comme un rival moins redoutable,
étant bien convaincu qu'en lui n'était point l'étoffe d'un
premier ministre ; aussi s'entendait-il en secret avec Chavigny chargé
des intérêts politiques de ce prince, dans le but de l'amener à
une entente dont les filets l'eussent enveloppé pour ainsi dire à
son insu. Mais le prince de Condé, qui s'en aperçut considérant
Chavigny comme un traître, lui fit une si violente scène que le
malheureux en mourut d'émotion et de désespoir. Cette catastrophe
obligea le cardinal Mazarin à renoncer à ce projet.
Une lettre du 13 octobre
1652 est la dernière de la correspondance échangée
entre le cardinal Mazarin et le baron de Penacors, elle accompagnait et précédait
de grands événements.
Ce même jour, 13 octobre, le prince de Condé reconnaissant que
son impopularité croissante rendait impossible la prolongation de son
séjour à Paris, craignant même d'y être arrêté,
en partait pour aller rejoindre son armée campée aux environs
de Dammartin .
Le 21 octobre, le Roi fit son entrée dans sa capitale, rappelé
par l'ardent désir de tous les habitants las de la guerre civile, sans
avoir eu besoin de recourir à l'assistance du cardinal de Retz, ni à
l'assentiment du duc d'Orléans. Ce prince recevait même l'ordre
de sortir de Paris, et, après un simulacre de désobéissance,
se hâtait de partir pour Limours et bientôt après pour son
château de Blois d'où il ne devait plus revenir.
Le 19 décembre, par ordre du Roi, le cardinal de Retz était arrêté
au Louvre où il s'était rendu sans défiance.
Ce dénouement, qui était le seul réellement poursuivi par
le cardinal Mazarin, avait été préparé en secret
et exécuté avant son propre retour, afin que les apparences le
rendissent étranger à cette mesure et qu'il n'en encourut pas
la responsabilité.
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