Lyon, le 19 janvier 1849 :
« Il y a une chose qui m’inquiète...
ce sont les affaires du pape: on se tient prêt à embarquer une
brigade qui est à Marseille... »
Le 20 mars 1949, en route pour Rome, il fait étape
à Montpellier (45.000 habitants selon lui):
« Montpellier est une ville où tous les
jours se ressemblent, toujours beau temps, jamais de pluie, un temps doux et
quelquefois même un peu chaud au milieu du jour. »
Il parle de ses chemises:
« Mon total va actuellement à vingt mais
sur lesquelles dix ne valent rien : c’est incroyable combien la fatigue
et la sueur usent vite : j’avais emporté, en partant pour l’Italie,
mes douze meilleures chemises qui étaient en assez bon état et
au bout de quelques mois plus rien ne tenait.
« Il est vrai qu’avant d’être à Rome, nous
n’avons pour blanchir que le soldat que chacun de nous a spécialement
attaché à sa personne, qui doit savoir blanchir, faire la cuisine,
soigner les chevaux... enfin avoir tant de connaissance qu’on ne peut
pas exiger qu’il soit bien fort sur chaque chose. Ils sont d’ordinaire
très dévoués, c’est un mérite qui en vaut
bien d’autres. »
Avril 1849 à Marseille :
« Voici donc les bruits de Marseille, c’est
toujours le Général Oudinot qui doit commander l’expédition
mais il n’est pas encore arrivé...
« Il y a lieu de croire que si l’on s’embarque, ce sera
pour aller au moins jusque sur les côtes d’Italie, sauf à
n’y rien faire si tout y est terminé, mais s’embarquera-t-on
?
« Marseille est une très belle ville, qui a meilleur aspect
que Lyon, parce qu’ici les maisons ont la même couleur qu’ailleurs,
tandis qu’à Lyon, elles ont une teinte noirâtre et puis c’est
bien pavé et bien aligné ou du moins beaucoup mieux qu’à
Lyon. Il y a aussi un très grand mouvement et des étrangers de
toutes les couleurs. »
le 25 avril 1849 :
« Aujourd’hui à midi, nous sommes
arrivés en vue de Civita Vecchia, et même, nous sommes à
quelques centaines de pas du port… On dit que nous sommes reçus
à bras ouverts.
« Civita est à 14 heures de Rome, c’est une petite ville
de 7 à 8 mille habitants qui a l’air assez bien bâtie...
Nous venons d’arriver avec 11 navires portant en tout 7 à 8 mille
hommes.. »
le 4 mai 1849 :
« Deux jours après (le débarquement)
toute la colonne expéditionnaire se remit en marche et je restai à
Civita avec la moitié de ma compagnie et en outre comme chef du génie
de la place parce que Civita est une place forte. À Civita, nous entrâmes
sans difficulté, on ne songea pas ou on n’osa pas résister,
mais à Rome il en a été autrement et même la colonne
qui était partie samedi dernier a éprouvé un échec
assez grave. »
« le pape est toujours à Gaète dans le royaume de Naples... »
le 7 mai 1849 :
« Pour de l’argent, je n’en ai pas
besoin ici, j’ai un cheval et une selle et quoique j’aie bien encore
quelques dépenses à faire, il me reste encore 4 ou 5 frs.. »
le 13 mai 1849, Cartel De Guido :
« La moitié de l’armée est
actuellement à une lieue et demie de Rome d’où l’on
fait des reconnaissances dans diverses directions. Il arrive toujours des troupes
de France de sorte que nous sommes portés à 20.000 hommes.
« On veut du reste agir lentement et sûrement... mais il se
pourrait bien qu’il n’y eut plus aucun fait militaire et que les
Romains consentissent à recevoir le pape en leur promettant des institutions
libérales...
« Nous sommes ici à 4 heures et demie de Rome, on voit déjà
le Dôme St Pierre. »
Vinco Santucci :
« Le pays est assez rempli de vignes et il y
a d’assez bon vin. Enfin, nous sommes assez dans l’abondance, nous
avons du bœuf, de la volaille, du vin, des petits pois… Quant au
logement... nous ne sommes pas trop mal... nous avons une chambre pour six et
c’est beaucoup de n’être pas dehors pour la nuit; nous sommes
munis de quelques couvertures, de quelques sacs qui font fonction de draps;
avec cela et un peu de paille, on dort, je vous assure, parfaitement, on est
tout étonné de s’habituer si vite à ce régime;
du reste, c’est tout à fait une faveur d’être dans
une maison. »
le 4 juin 1849 - Villa San Carlo :
« Nous nous sommes établis hier à
San Carlo à 1200 mètres environ des murs de Rome... »
« hier matin, les opérations ont commencé; je me hâte
de vous dire que je n’ai couru aucun danger, attendu que je n’ai
pas été engagé hier, à trois heures du matin nos
troupes ont attaqué la villa Pacifili qui se trouve sur notre droite
et à 800 mètres des murs de Rome; cette première attaque
a parfaitement réussi, on s’est porté en avant pour s’emparer
de l’Église St Pancrazia et plus loin encore de la villa Corcini
qui n’est plus qu’à 300 mètres de la ville, ces points
étaient nécessaires pour commencer les travaux du siège.
« Les Romains ont consommé dans la journée d’hier
une énorme quantité de poudre et sans nous faire grand mal...
« Si les Romains n’étaient pas passés ici avant
nous, nous serions assez bien à San Carlo où nous avons une chambre,
une salle à manger, une cuisine mais ils ont tout brisé ou pillé.
Il ne reste pas trace de meuble. »
Le 12 juin 1849 - San Carlo :
« ... il fut décidé que le même
jour (le 4 juin) aurait lieu l’ouverture de la tranchée contre
la ville, on appelle ainsi la construction d’un fossé qui entoure
une certaine partie de la place et qui porte le nom de parallèle: c’est
de là que l’on part ensuite pour continuer les opérations
qui ont toujours pour but de se rapprocher des murs.
« Ce travail de l’ouverture de la tranchée peut être
fort mauvais lorsque l’ennemi en est prévenu ou qu’il entend
le bruit des pelles ou des pioches. Heureusement, il n’en a pas été
ainsi pour nous, nous avions reconnu pendant la matinée les points par
lesquels devait passer le parallèle en nous cachant le mieux possible
dans les vignes et les roseaux qui couvrent le terrain et le soir à 10h.,
tous nos travailleurs étaient en place et prêts à agir aux
commandements.
« Tout se passa fort heureusement et au jour vers 3h du matin, on
avait creusé partout un fossé assez profond pour être à
l’abri... Comme notre reconnaissance de jour et notre travail de nuit
se sont faits sans que les Romains s’en soient aperçu, au jour,
ils ont sans doute été fort surpris et fort désenchantés
de nous voir si près de la ville; aussi, lorsque après 4h du matin,
les travailleurs renouvelés commencèrent à jeter leurs
premières pelletées de terre, les Romains commencèrent
un feu terrible, mais sans effet puisque l’on s’était couvert
pendant la nuit.
« Le feu a duré toute la journée de mardi, avec une
vigueur incroyable et je vous assure que je sais maintenant très bien
distinguer le sifflement du boulet et celui des balles.
« Le travail n’en fut pas moins tranquillement continué
toute la journée et toute la nuit : c’est seulement dans la nuit
du 6 au 7 que l’on a débouché de la tranchée au premier
parallèle pour se porter en avant toujours au moyen de tranchée
de zigzag sans laquelle il serait d’ailleurs impossible d’avancer.
« Aujourd’hui on est à 120 mètres des murs...
« Un siège est une chose bien pénible surtout lorsque
le personnel est aussi peu nombreux....
« Il n’y a encore que très peu de malades mais il ne
faudrait pas rester trop longtemps sous les murs de Rome, parce que la campagne
y est mauvaise quoiqu’elle soit très belle. »
le 4 Juillet 1849 :
« Nous sommes entrés hier à Rome...
Il y a en ce moment 25.000 hommes de troupes françaises dans la ville,
nous faisons démolir la barricade élevée à l’intérieur
et on s’occupe de l’établissement des troupes.
« ...A présent que j’ai vu un peu la guerre, je vous
dirai qu’on doit l’éviter autant qu’on peut; pour ceux
qui la font, il y a certainement des moments de vif intérêt. Le
temps va sans qu’on s’en doute, tant on est absorbé par les
fatigues ou les émotions ou tel ou tel moment, mais c’est une bien
triste chose pour les malheureux habitants dans le pays duquel on se bat. Et
puis, les armées ne conservent pas la même discipline. Pendant
le premier mois, on ne touche à rien sans payer, mais ensuite on prend
les fruits, les légumes, les vins et cependant il faut bien que l’on
vive, du reste nous avons fait peu de mal, ou du moins nous n’avons fait
que le mal nécessaire: ainsi à l’extérieur, nous
avons ravagé beaucoup de bois pour les travaux du siège, pour
le chauffage et la cuisine des troupes; à l’intérieur on
a fait aussi quelques dégâts par les bombes et les boulets mais
les Romains ont fait un mal affreux... »
le 14 juillet 1849 :
« Je voudrais pouvoir vous donner une idée
de Rome, mais c’est très difficile à décrire. La
population est d’environ 160.000 habitants. Le type des hommes et surtout
celui des femmes est généralement beau.
« Dans les femmes, il s’en faut assurément de beaucoup
que toutes les figures soient jolies mais elles se distinguent par de beaux
yeux et d’épais cheveux noirs...
« Cette population est d’une nature fière, mais assez
paresseuse, on sort peu pendant le jour, mais le matin et surtout le soir, on
se promène beaucoup...
« Quant à la ville, elle se compose de beaucoup de vilaines
maisons et aussi de beaucoup de palais. Il y a contraste...
« Quoique le pape ne soit pas encore ici, on s’occupe déjà
de lui faire bénir des chapelets, parce que les communications sont fréquentes
et faciles de Rome à Naples.
le 24 juillet 1849 :
« le 15, qui était un dimanche, on a
chanté à la magnifique basilique de Saint PIERRE... un Te Deum
en action de grâces pour le succès des armées françaises
et pour la restauration du gouvernement pontifical... mais après nous,
je suis persuadé que le pape avec un pouvoir absolu et exercé
par des prêtres, ne tiendrait pas longtemps. Du reste, on ne parle pas
encore du retour de Pie IX...
« . .. Je vais vous dire une des choses intéressantes que j’ai
visitées dimanche dans une petite église appelée St Joseph
des menuisiers. Cette église est construite sur l’emplacement des
anciennes prisons romaines appelées prisons mamertines. Au-dessous, sont
conservés deux petits caveaux l’un au-dessus de l’autre et
où, suivant la chronique, St Pierre et St Paul furent enfermés
pendant 9 mois avant d’être suppliciés...
« Au caveau inférieur, en haut de l’escalier, on remarque
dans le mur un trou assez large et à 3 ou 4 pouces de profondeur qui,
toujours suivant la chronique, fut fait par la tête de St Pierre, lorsque
violemment poussé par son geôlier pour descendre dans le cachot
du dessous, la tête alla frapper le mur....
« . . . Dimanche dernier, à St Jean de Latran, on nous a montré
la véritable table sainte, sur laquelle les apôtres assistèrent
au repas le Jeudi Saint… on y montre aussi du vrai foin de la crèche
de Jésus.
le 29 août 1849 :
« Les affaires politiques ne s’arrangent
pas et on ne saurait prévoir encore à quel moment reviendra le
pape. Pie IX passe pour être animé des meilleures intentions mais
il a un entourage de Cardinaux qui ne veulent rien perdre du pouvoir absolu
qu’ils avaient autrefois, or la France ne le veut pas. En l’absence
du pape, Rome est administrée par une commission de trois cardinaux qui
gouvernent au nom de Pie IX et qui ont le talent de mécontenter tout
le monde, et la population romaine, et l’Armée Française.
.. »
le 24 janvier 1850 :
« J’ai été embarqué
sur le Solou, bateau à vapeur de l’État... nous ne sommes
restés en route que 31 h. (de Civita à Toulon).
le 28 avril 1850 :
Retour du pape à Rome. « Il paraît
que le pape a été reçu avec un véritable enthousiasme
et beaucoup mieux qu’on ne l’espérait.. . »