Généalogie VEILHAN

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Famille Veilhan - Ancêtres - André Veilhan (1863-1953)

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André Veilhan & Gabrielle Barba
- Période de la guerre -

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Le buste Période de la guerre Mort et résurrection

Tout le texte qui suit est issu du livre de Chantal Le Gallo, fille d'Alain Veilhan, petite-fille d'André.

Je n'avais pas tout à fait dix ans quand la guerre éclata en 1939. C'est à peu près de cette époque que datent mes souvenirs de grand-père et grand-mère.

Nous allions les voir souvent, bande de gamins bruyants, se chamaillant à qui tirerait le premier le gros gland en tissu qui déclenchait une sonnerie grêle dans les profondeurs de l'obscur appartement du 7, avenue de Paris.

Sitôt franchie l'épaisse tenture de la porte d'entrée, on baissait la voix dans ce petit univers clos, mystérieux, un peu inquiétant, où d'innombrables et étranges bibelots et meubles, témoins d'une aisance démodée, côtoyaient les humbles ustensiles d'une vie quotidienne malcommode que trahissaient les odeurs mêlées de poussière antique, de renfermé, d'eaux de Javel et de Cologne.
Dans l'entrée toute noire, une armure... Dans la chambre, un énorme lit breton à colonnes, des coffres, partout des tables aux pieds tirebouchonnés, des coussins, des tapis, des napperons, des vases chinois, des tableaux, dont l'un, fort imposant, avec un monsieur très digne à favoris, des glaces, un lustre en fer forgé à la lumière jaune et la cuisine glaciale qu'il fallait traverser pour s'asseoir sur des WC au rabattant en bois rouge vernis que je trouvais du plus grand chic. « Surtout, les enfants, ne touchez à rien, ne cassez rien. »... Vite, on se précipitait dans les recoins noirs du débarras-penderie à la naphtaline, pour en extraire les livres usés : surgissaient alors mille personnages familiers dont les aventures, écrites souvent en allemand, nous fascinaient d'autant plus. Je me souviens du canard Gédéon et du petit garçon si sale qu'il lui poussait des radis rouges au bout des ongles.
Élément rassurant dans ces lieux étranges, notre ami Michu, le gros ours en peluche, sorti de son placard, trônait parmi nous, si vieux et usé par des générations d'enfants, que sa tête aux yeux décousus s'affaissait en dodelinant sur son ventre râpé.

Grand-père et grand-mère étaient là, accordés au décor. Lui, chauve et l’œil vif, nous intimidait un peu. Toujours plongé dans des comptes interminables, nous le voyions s'animer parfois pour raconter de bonnes histoires dont nous ne saisissions pas toujours la saveur.
Elle, nous accueillait affectueusement, ouvrant pour nous sa boîte à bonbons. Petite, mince (on nous parlait de sa robe de mariée aux 40cms de tour de taille), de plus en plus courbée au
fil des ans, elle était pour nous la vieille dame « à l'ancienne ». Nous ne savions s'il fallait vraiment admirer ses efforts de toilette, son gros grain blanc ou noir autour du cou que nous appelions « soutien-gorge », ses cols de dentelle piqués d'une broche ou d'un camée.
Quels plaisirs avait-elle dans la vie, avec ses douleurs qui l'empêchaient de marcher, ses doigts tout tordus par les rhumatismes, son mari qui lui demandait toujours combien elle
dépensait alors qu'elle se perdait dans les chiffres, et qui rouspétait si souvent.
Elle s'appliquait à la cuisine, mais nous sentions bien que là n'était pas son fort. Pouvions-nous imaginer qu'au temps de sa jeunesse, les « demoiselles » n'avaient pas accès aux fourneaux ?
Très étourdie, elle semait partout ses affaires qu'elle cherchait ensuite fébrilement, honteuse et tourmentée.
Pudique et scrupuleuse, il lui fallait, m'a-t-on dit, se laver impérativement les pieds avant d'entreprendre tout déplacement ou promenade, tant elle craignait qu'un accident imprévu ne l'amenât à dévoiler des extrémités un tant soit peu odorantes ou douteuses !!!
Malgré ses infirmités, elle se rendait utile autant qu'elle pouvait, et quand, déjà plus grands, nous allions la voir chacun notre tour, nous lui apportions l'éternel paquet de chaussettes à raccommoder où les innombrables reprises de ses doigts maladroits dessinaient des patchwork importables, même en pleine guerre.
Lui, resté très leste jusqu'à 90 ans, traversait allègrement les cent mètres de l'Avenue de Paris, d'un petit pas pressé, faisant sonner sa canne sur les vieux pavés Louis XIV, pour remplir son filet à provisions en plaisantant avec l'épicier d'en face.
Inconsciemment, nous sentions que notre jeunesse leur était un cadeau précieux et nous aimions, les uns ou les autres, déjeuner avec eux, leur faire un peu de cuisine et de courses en leur apportant une bouffée de vie.
Nous ne savions pas alors qu'être vieux, c'est d'abord avoir été jeune et que tous ces souvenirs figés qui les entouraient vivaient encore en eux.

Le monsieur très digne dans son cadre au salon, c'était son père, Joseph, qu'elle avait peint elle-même, et le soldat de la photo, si jeune dans son uniforme, avec toutes ses décorations, leur fils aîné, mort à 22 ans... et les petits anges au pied de leur lit, leurs deux bébés morts tout petits. Les piles de gants au beurre frais et les dentelles, c'était leur vie mondaine... Le chapelet à portée de main témoignait de leur piété.
Grand-père ne manquait pas d’humour et nous amusait quand il oubliait ses chiffres, et l'on nous disait parfois : « ta grand-mère avait un réel talent pour le dessin » mais comment, à cette époque, aurions-nous pu entrevoir derrière ces visages fanés le couple dynamique, élégant et mondain, l'ingénieur entreprenant et la jeune femme artiste dont j'ai regretté plus tard de l'avoir jamais vue dessiner.

A la fin de leur vie, demeurait néanmoins l'essentiel : un grand courage, une foi très solide et un amour intact. Car, à 80 ans, ils se disputaient souvent mais demeuraient toujours très amoureux, comme en témoignent des lettres de grand-père (84 ans) à sa femme en 1947, lors d'un voyage à Angers.
« Je suis ici comme « un coq en pâte » et c'est toi qui m'inquiètes. Surtout, ne te laisse manquer de rien. Il fait froid ici. Chauffe-toi bien et commande le bois qu'il te faut comme tout ce dont tu as besoin. »
« Mille baisers, ma chérie. Je suis bien content ici, mais rien ne vaut cependant la présence de ma chérie et notre vie si unie l'un près de l'autre. »

Pendant toute la guerre, aux préoccupations d'un budget très serré, s'ajoutera, comme pour beaucoup, la hantise permanente du ravitaillement: nourriture, vêtements, chauffage. Grand-père économise et garde tout. Plus tard, on retrouvera la plaque de chocolat dernier recours, cachée sous les bouquins et la boîte fameuse assortie d'une étiquette « petits bouts de ficelle ne pouvant servir à rien. »
Au moment de l'exode en mai 1940, ils rejoignirent notre tribu Alain Veilhan à Niort où nous avions passé l'hiver. Ils y restèrent tandis que nous nous rabattions sur la Charente. Mais lorsque les Allemands arrivèrent en juillet, un général et son état-major les mettent à la rue et, dans une ville archi bondée de troupes et de réfugiés, ils auraient sans doute couché dehors sans la bonté du premier adjoint de la ville qui leur donna une chambre chez lui.
Très vite, ils rentrent à Versailles pour subir le sort commun des Français sous l'occupation. Plusieurs bombardements les frôlent de près: Montreuil, la gare des Chantiers et surtout la caserne de l'Avenue de Paris.

Je me souviens du mariage à Paris, rue des Martyrs d'un de nos cousins, Charles Martin, le 31 Décembre 1943 où nous étions avec grand-père. Mariage de guerre typique: alerte et bombardement dans le train Versailles-Paris, église glaciale, doigts de pied gelés pour cause d'essai d'élégance, ruée dans l'appartement sur le pauvre buffet déjà pillé par les moins discrets, repli stratégique après quelques politesses, sur les boulangers du coin où l'oncle Marcel fait figure de sauveur en nous offrant quelques galettes sans ticket genre semelles de botte... Mais la mariée était belle et le marié en superbe uniforme.

Début 1944, grand-mère tombe malade. Déjà bien infirme, elle n'arrive plus à marcher. On essaye un traitement aux rayons X mais il faut aller à la clinique et il n'y a plus de taxis. Grand-père achète une remorque pour bicyclette et, à 80 ans, avec l'aide de sa belle-fille Marthe, il pousse et tire la remorque sur les pavés de Versailles, avec sa femme assise dedans...
La vie devient impossible pour ce couple âgé avec la guerre qui s'intensifie et ils viennent s'installer auprès de nous, les Alain, au Chesnay. Il leur faut s'intégrer à notre bourdonnante vie de famille : 9 enfants entre 16 et 1 an… Et l'on emmène grand-mère à la messe en remorque à vélo...

Enfin, viennent des temps meilleurs après la guerre. Grand-père et grand-mère recommencent à voyager comme ils l'ont toujours fait (leurs permis gratuits leur permettent ce luxe): ils vont voir leurs enfants et leurs 22 petits-enfants à Angers chez les Yves, à Nice chez les Pol, à Grenoble chez les Jo.

En 1947, toute la famille se réunit à Versailles pour leurs Noces d'Or. Grand-mère reste couchée presque tout le temps. Elle ne peut plus monter dans le grand lit breton et on lui installe à côté un affreux petit lit de fer. Du coup, on ne peut plus faire un pas dans la chambre. Elle met un quart d'heure pour se traîner jusqu'au petit coin à l'autre bout de l'appartement.

En mai 47, je pars aux Tranchandieres à Angers accompagner grand-père à la première communion de son petit-fils Gérard. Je suis très consciente de l’honneur qui m'est fait... Grand-père s'agite, s'empresse, nous bavardons sans arrêt. Il est en pleine forme... et moi je suis ravie mais j'ai mal aux fesses car nous avons choisi le plus mauvais wagon du train : un compartiment donnant sur la voie avec des banquettes à lattes de bois...
La fête fut joyeuse, il y avait de gentils cousins. Grand-père se couche à une heure du matin, fait un discours au repas, prend le temps d'écrire à sa femme, se montre infatigable... Bref on s'est bien amusé tous les deux...

En mai 49, grand-père tombe très gravement malade. Le docteur pense qu'il est perdu. Tous ses enfants accourent.

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